le blog de l'athénée

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Pleins feux

Je ne suis pas un homme nerveux

Posté le : 03 oct. 2012 06:56 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : La Mouette

Quelques semaines avant l’entrée dans l’année 1900, l’écrivain Maxime Gorki écrit à Tchekhov au sujet de sa pièce Oncle Vania :


« J’ai vu ces jours-ci Oncle Vania –j’ai vu et j’ai pleuré comme une bonne femme, même si je suis loin d’être un homme nerveux, je suis rentré chez moi abasourdi, chaviré par votre pièce, je vous ai écrit une longue lettre et –je l’ai déchirée. Pas moyen d’écrire bien, clairement ce que cette pièce vous fait naître dans l’âme, mais je sentais cela en regardant ses personnages : c’était comme si on me sciait en deux avec une vieille scie.
Les dents vous coupent directement le cœur, et le cœur se serre sous leurs allées et venues, il crie, il se débat. Pour moi, c’est une chose terrifiante.
Votre Oncle Vania est une forme absolument nouvelle dans l’art dramatique, un marteau avec lequel vous cognez sur les crânes vides du public...

(...)

Votre déclaration selon laquelle vous n’avez plus envie d’écrire pour le théâtre m’oblige à vous dire quelques mots sur la façon dont le public qui vous comprend considère vos pièces.
On dit, par exemple, qu’Oncle Vania et La Mouette sont une nouvelle forme d’art dramatique, dans laquelle le réalisme s’élève à la hauteur du symbole porté par l’émotion et profondément pensé. Je trouve qu’ils ont raison de dire cela.
En écoutant votre pièce, je pensais à la vie qu’on sacrifie à une idole, à l’irruption de la beauté dans la vie miséreuse des gens, et à beaucoup d’autres choses graves, fondamentales. Les autres drames ne détournent pas l’homme de la réalité pour l’amener aux généralisations philosophiques –les vôtres, si


Lettre de Maxime Gorki à Anton Tchekhov, novembre 1899


NB : c’est moi qui souligne ou intercale des sauts de lignes afin de rendre la lecture plus facile.


Pour voir Oncle Vania, c’est en alternance avec La Mouette, tous deux mis en scène par Christian Benedetti, à l’Athénée jusqu’au 13 octobre. Les deux pièces seront jouées à la suite ce dimanche !

Pleins feux

Lili

Posté le : 01 oct. 2012 06:11 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : La Mouette

En 2003, le cinéaste Claude Miller adapte La Mouette de Tchekhov au cinéma sous le titre La Petite Lili. Si l’adaptation du texte est très libre, l’esprit de Tchekhov n’en est pas moins parfaitement restitué.

Je vous parlais la semaine dernière d’une scène centrale dans La Mouette de Tchekhov où le jeune écrivain Treplev présente à sa famille une pièce qu’il a écrite, interprétée par Nina, qui rêve d’être actrice.
Déçu par les réactions de son public et en particulier de sa propre mère, Treplev sortira profondément blessé de cette soirée.

Voici cette scène revue par Claude Miller : Treplev n’est plus un écrivain mais un cinéaste qui montre son court-métrage expérimental où apparaît Nina (qui rêve toujours d’être actrice, mais plutôt au cinéma).
La mère de Treplev devient une actrice de cinéma célèbre, compagne d’un réalisateur qui l’est tout autant –chez Tchekhov, la première est actrice de théâtre, le second écrivain, tous deux très connus.
On reconnaît également les autres personnages qui entourent les protagonistes : Macha, amoureuse en secret de Treplev, l’oncle de Treplev, le médecin ami de la famille, etc.

Les prénoms des personnages de Tchekhov ont été modifiés par Claude Miller.
Treplev, joué par Robinson Stevenin, s’appelle Julien.
Interprétée par Ludivine Sagnier, Nina s’appelle Lili.
Nicole Garcia, la mère de Treplev-Julien, s’appelle Mado, et son amant, Bernard Giraudeau, Brice.


Voici l’extrait, qui dure sept minutes. On y voit la famille de Treplev-Julien rejoindre la grange où se déroulera la projection, puis la projection du court-métrage elle-même interrompue par son auteur, excédé par les réactions de sa mère.


Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez la regarder directement sur YouTube.

 



La Mouette de Tchekhov se joue en alternance avec Oncle Vania, tous deux mis en scène par Christian Benedetti, pendant encore deux semaines.

Pleins feux

Question pour un champion (6)

Posté le : 27 sept. 2012 06:12 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : La Mouette

De Bonaparte, des brumes, de Sabine ou de Patagonie, je peux être à tête grise ou à queue fourchue. Palmipède aquatique, mon nom désigne également un canot de sauvetage pneumatique.

Appartenant à la famille des Laridés, je me reproduis dès l’âge de trois ans. Je suis omnivore et opportuniste, n’hésitant pas à attaquer mes semblables pour leur voler leur nourriture (ou carrément leurs enfants).
On me trouve souvent en bord de mer de l’hémisphère nord, mais je fréquente également l’intérieur des terres.

En français, on fait souvent la distinction entre moi et un de mes congénères : en vérité, nous appartenons à la même espèce, ce que les Anglais ont bien compris en nous désignant du même nom, gull (ou seagull).

Dotée d’un sale caractère chez Gaston Lagaffe dessiné par Franquin, je revêts une dimension symbolique dans une pièce de Tchekhov qui commence ce soir à l’Athénée, en alternance avec Oncle Vania (et en intégrale le 7 octobre).

Je suis ? Je suis ?

(Vous pouvez donner votre réponse en commentaire ici)

Pleins feux

C'est quelque chose de décadent

Posté le : 25 sept. 2012 11:36 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : La Mouette

Dans La Mouette de Tchekhov, le jeune écrivain Treplev décide de présenter l’un de ses textes au petit cercle familial et amical réuni dans la propriété de son oncle, Sorine : parmi les spectateurs de cette petite représentation privée jouée par leur voisine Nina, qui rêve d’être actrice, citons en particulier Arkadina, mère de Treplev et comédienne, et Trigorine, ami de celle-ci et écrivain célèbre.

Pour le moins inhabituelle, la pièce de Treplev ne tarde pas à déclencher rires et sarcasmes –au point que celui-ci, excédé, décide d’interrompre la représentation.

On a souvent dit que le texte de Treplev était particulièrement mauvais et ridicule et que Tchekhov espérait surtout en tirer un effet comique.
Christian Benedetti, metteur en scène de la pièce à l’Athénée, n’est pas aussi définitif : et si la pièce de Treplev était au contraire trop novatrice pour être comprise de son public ?

Ce qui est au centre de La Mouette, c’est peut-être l’une des interrogations centrales de Tchekhov : qu’est-ce que le contemporain ? Être de son temps n’est pas la même chose qu’être à la mode : être de son temps, c’est peut-être, au contraire, en pointer précisément la ruine.
En cela, la rivalité entre les deux écrivains de La Mouette, Trigorine l’auteur célèbre et installé, et Treplev le jeune incompris, est éloquente : Treplev donne à voir l’effondrement du monde de Trigorine, ce que résume involontairement la remarque d’Arkadina à propos du texte de son fils —”c’est quelque chose de décadent.”

Loin de la déception d’un écrivain raté, ce premier acte de La Mouette représenterait plutôt l’art du passé dévasté par l’avènement de formes nouvelles : ce que Tchekhov , lui-même blessé par une première désastreuse de La Mouette, cherchait aussi à réaliser dans ses textes.

Pour découvrir La Mouette montée par Christian Benedetti, c’est à l’Athénée à partir de jeudi, en alternance avec Oncle Vania : les deux pièces seront également données à la suite le dimanche 7 octobre à partir de 16h.

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