le blog de l'athénée

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Pleins feux

Le pressentiment

Posté le : 14 janv. 2011 06:41 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Le Journal d'un disparu

Le Journal d'un disparu, cycle de mélodies de Janacek mis en scène par Christophe Crapez, a commencé hier à l'Athénée et se joue encore ce soir, demain et dimanche.

Christophe Crapez a choisi d'insérer au début de l'œuvre le premier mouvement d'une sonate pour piano composée par Janacek : surnommée "1er octobre 1905", elle a été écrite en mémoire d'un ouvrier tué lors d'une manifestation.

Mécontent, Janacek tenta de détruire la partition, mais les deux premiers mouvements ont été sauvés par la pianiste Ludmila Toutchkova : ils sont respectivement intitulés "le pressentiment" et "la mort".

C'est "le pressentiment" que Christophe Crapez a choisi de faire entendre sous les doigts du pianiste Nicolas Krüger au début du spectacle.
Pour découvrir la grande sensibilité et l'originalité de Janacek, voici donc ce premier mouvement, interprété par le pianiste tchèque Rudolf Firkusny. Il fut l'élève de Janacek avant de s'exiler à la seconde guerre mondiale pour les États-Unis où il est décédé en 1994.



 

Pour entendre le premier mouvement de cette sonate ainsi que le Journal d'un disparu interprété par Nicolas Krüger, Christophe Crapez, Eva Gruber, Séverine Etienne-Maquaire, Sacha Hatala et Ainhoa Zuazua, c'est jusqu'à dimanche !
Ce soir, Jacques Amblard, musicologue, viendra présenter l'œuvre à 18h30 dans le foyer-bar de l'Athénée.

Bon week-end !


PS auto-promotionnel
: dimanche, allumez votre radio sur France Musique de 16h à 18h! L'émission "L'air des lieux" sera consacrée à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet : vous pourrez y entendre entre autres les douces voix de Patrice Martinet, directeur du théâtre, Denis Léger, directeur technique, et la mienne, si je n'ai pas été coupée au montage.
La fréquence de France Musique à Paris : 91,7. L'émission sera ensuite disponible en podcast ou en écoute à la carte.

Coulisses

Journal d'un montage

Posté le : 13 janv. 2011 07:13 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Le Journal d'un disparu

Hier après-midi, l'équipe du Journal d'un disparu s'attelait aux derniers préparatifs avant la première qui aura lieu ce soir : comme vous pouvez le constater, d'étranges perches peuplent la scène…

Jano, régisseur général à l'Athénée

 

Jano, régisseur général à l'Athénée

 

Thomas et Priscilla, respectivement technicien et stagiaire en technique à l'Athénée

 

Le Journal d'un disparu, cycle de mélodies composé par Janacek à partir de poèmes, se joue jusqu'à dimanche.

Demain à 18h30, vous pourrez assister à un "d'abord" où Jacques Amblard, musicologue, vous présentera l'œuvre : rendez-vous au foyer-bar !

Pleins feux

Qui me rendra ce que j'ai perdu ?

Posté le : 12 janv. 2011 06:12 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Le Journal d'un disparu

Le Journal d'un disparu, que vous pourrez voir à l'Athénée à partir de demain, a été composé par Janacek sur des poèmes écrits en dialecte valaque (sud-est de l'actuelle République Tchèque).

Ce cycle de poèmes raconte une histoire d'amour entre un paysan et une jeune tzigane et est divisé en vingt-deux parties :

1 - J'ai rencontré une jeune tzigane
2 - La noire tzigane
3 - Des lucioles dansent
4 - Déjà de jeunes hirondelles pépient
5 - Que c'est pénible de labourer
6 - Ohé ! Mes bœufs gris !
7 - J'ai perdu une chevillette
8 - Ne regardez pas tristement
9 - Bonjour, petit Janik
10 - Ô Dieu lointain
11 - L'odeur du sarrasin fleuri
12 - Une charmille sombre
13 - Partie au piano solo
14 - Le soleil monte
15 - Mes petits bœufs gris
16 - Qu'ai-je donc fait ?
17 - Personne n'échappe à sa destinée
18 - Je ne songe maintenant qu'à une chose
19 - Une pie vole
20 - J'ai une jolie aimée
21 - Mon cher papa
22 - Adieu, mon pays natal

Pour vous donner une idée du texte, en voici quelques extraits traduits par Emilia Essora:

5 - « Que c'est pénible de labourer, j'ai si peu dormi, j'ai si peu dormi, et lorsque je m'endormais, c'est d'elle que je rêvais. »

11 - « L'odeur du sarrasin fleuri arrive jusqu'au bois. "Veux-tu voir, Yanik, comment dorment les tziganes?" Elle cassa une petite branche, prit une pierre et la jeta. "Voilà, mon lit est fait", dit-elle en riant. "La terre est mon oreiller, le ciel ma couverture, et les mains, refroidies par la rosée, je les réchauffe dans mon giron." Elle était couchée par terre, elle n'avait qu'une petite jupe, et ma pauvre vertu pleurait à chaudes larmes. »

14 - « Le soleil monte, l'ombre devient plus courte. Oh ! Qui me rendra ce que j'ai perdu?»

21 - « Mon cher papa, comme vous vous trompez, si vous croyez que je prendrai la jeune fille que vous me choisirez. Qui a commis une faute, qu'il expie son péché : moi, non plus, je ne veux pas éviter mon sort. »

On peut consulter le texte intégral et un commentaire de l'œuvre ici. J'ai écrit un billet sur Janacek hier.


Le Journal d'un disparu mis en scène par le ténor Christophe Crapez (que certains d'entre vous avez peut-être déjà vu à l'Athénée dans La Société Anonyme des Messieurs Prudents, Le Docteur Ox, Les Brigands ou L'Opéra de quatre notes) se joue de demain à dimanche !

Perspective

La révolution de velours

Posté le : 11 janv. 2011 11:32 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Le Journal d'un disparu

De jeudi à dimanche, vous pourrez écouter Le Journal d'un disparu à l'Athénée : l'œuvre a été composée par Janacek sur des poèmes écrits dans un dialecte de l'Est de la République Tchèque et racontent l'amour d'un paysan pour une Tzigane.

Si l'histoire évoquée dans ces poèmes pouvait rappeler à Janacek une partie de sa vie personnelle, la langue utilisée a sans doute été déterminante dans son choix de les mettre en musique.
Né en 1854 et décédé en 1928, Janacek a en effet joué un rôle déterminant dans la mise en avant des identités culturelles tchèques et moraves.
Il parcourt ainsi son pays (qui deviendra la Tchécoslovaquie à l'effondrement de l'empire austro-hongrois en 1917) à la recherche de musiques populaires : collectant des chansons paysannes dès 1886, Janacek oeuvre à la reconnaissance du folklore musical de sa région et, par là-même, à la revendication d'une identité tchécoslovaque.


D'origine paysanne et jouées sans partition, les musiques populaires ont souvent été sous-estimées, mais Janacek relève le défi de les intégrer à la musique dite savante.
Le défi paraît impossible tant tout semble séparer musique populaire et classique : les tonalités ne sont pas les mêmes, d'autant que les chants paysans peuvent très bien hésiter entre plusieurs tons ou commencer en mineur pour se terminer en majeur.
Ensuite, d'un point de vue rythmique, les musiques occidentales reposent sur une symétrie parfaite où chaque mesure est égale à la suivante et où une croche vaut une moitié de noire et une ronde le double de la blanche : rien de semblable avec la musique populaire d'Europe de l'Est où une demi-mesure peut par exemple être légèrement plus longue que celle qui la précède —et cette complexité rythmique est quasiment impossible à retranscrire dans notre système de notation.

Janacek, à l'instar du Hongrois Bartok ou du Roumain Enesco, parvient pourtant à se construire un style singulier et inédit où le genre savant s'imprègne du folklore, et accompagne ainsi les revendications identitaires d'une région qui réclamera rapidement son indépendance.
Si le nationalisme quasi-forcené de Janacek dans sa vie courante se retrouve dans sa musique où la composante folklorique est déterminante, il est intéressant de souligner que sa volonté de retranscrire ce qu'il entend ne s'arrête pas aux musiques populaires entendues dans la campagne tchèque et morave.

Le compositeur s’attache en effet à la mélodie du parler et transforme en musique des phrases saisies au vol, mais aussi le bruit de la mer ou encore des chants d’oiseaux.
Désirant abandonner les conventions expressives propres à la musique, Janacek réintroduit la prose dans l’opéra et s’inspire du langage parlé pour composer. Il ne s’agit pas d’imiter la nature mais bien d’admettre l’existence d’un univers musical en-dehors de la musique elle-même.


Chahutant les frontières entre savant et populaire, entre nature et culture et entre Tchécoslovaquie et Autriche-Hongrie, Janacek crée aussi une œuvre hybride
du point de vue strictement formel : entre opéra et cycle de Lieder*, son Journal d'un disparu composé en 1919 sera joué à l'Athénée à partir de jeudi dans la mise en scène de Christophe Crapez.



Bon mardi !

 

* Si vous avez manqué un épisode sur le Lied, rendez-vous ici pour un très modeste début de définition.

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