le blog de l'athénée

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Pleins feux

Colophane sans sable

Posté le : 02 févr. 2011 06:02 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Orchestre de Paris : 4 concerts pour 4 quatuors

Samedi à l'Athénée, les accessoires peuplant les coulisses avaient changé de nature:

 

C'est de la colophane, que l'on applique sur les archets des instruments à cordes frottées (violon, alto, violoncelle, etc.) pour permettre la vibration de la corde.

 

À 15h avait lieu en effet un concert en lien avec Caligula : dans le décor de la pièce (sans le sable bien sûr, pitié pour les instruments), quatre musiciens de l'Orchestre de Paris ont interprété des œuvres de compositeurs dont la vie a été très liée au politique et à l'histoire.
Bruno Putzulu, interprète du rôle de Caligula, est venu dire des extraits du texte de Camus entre les œuvres.



Voici la fin du concert dans une vidéo de moins de trois minutes, en espérant que vous me pardonnerez mes quelques soucis de micro :

 

À l'Athénée, Caligula se joue jusqu'à samedi ! Le prochain (et dernier de la saison) concert de l'Orchestre de Paris à l'Athénée aura lieu le 2 avril 2011 sur le thème "Humour noir" en lien avec Une visite inopportune de Copi.

Bon mercredi.

Pleins feux

Un galimatias musical

Posté le : 26 janv. 2011 06:08 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Orchestre de Paris : 4 concerts pour 4 quatuors

Quatre concerts pour quatre quatuors
Cette saison, l'Orchestre de Paris donne des concerts à l'Athénée en lien avec les pièces programmées.

Ce samedi à 15h, en résonance à Caligula d'Albert Camus, vous pourrez entendre un concert sur le thème "néo-classique ou oppression".

 


Néo-classique ou oppression
Comme chez Camus, l'art et politique s'entremêlent dans la vie et les œuvres des cinq compositeurs choisis :
Erwin Schulhoff et Hans Krasa furent tous deux déportés (et exécutés) dans les camps nazis,
Bartok favorisa la reconnaissance de l'identité nationale hongroise (et la création de la Hongrie en 1918) en intégrant la musique paysanne hongroise dans ses œuvres*,
le style de Stravinsky se modifia au rythme de ses exils
et Chostakovitch subit toute sa vie l'oppression du régime soviétique et le poids du réalisme socialiste.


Chostakovitch et le réalisme socialiste

C'est dans les années 1930 que la doctrine du réalisme socialiste fait son apparition en URSS. Sa définition la plus claire se trouve sans doute dans les statuts d’unions de créateurs soviétiques qui ont été rédigés en 1934 :
l'on y apprend que le réalisme socialiste exige "une représentation véridique et historiquement concrète de la réalité dans son développement révolutionnaire [qui doit] se combiner à la tâche [...] de l’éducation idéologique des travailleurs dans l’esprit du socialisme".

La fonction assignée à l'art est claire : l’artiste devient un "ingénieur des âmes" (l'expression date de 1932 et est de Staline lui-même) chargé d’une fonction d’éducation et de mobilisation des masses.

Mais l'on passa rapidement de l'art prolétarien à l'art totalitaire : en 1936, un article extrêmement violent à l'égard de Chostakovitch paraît dans La Pravda et marque le début d'une campagne dite "anti-formaliste".
Après avoir défini le contenu idéologique des œuvres d’art, le "réalisme socialiste" s'attaquait ainsi également à leur forme en dénonçant à la fois le "formalisme" et le "naturalisme" : le formalisme était défini comme la prégnance de la forme sur le message, et le naturalisme comme la description de la réalité hors de la perspective marxiste (c'est-à-dire n'analysant pas la vie selon des critères sociaux et historiques).

Publié dans la même Pravda après la parenthèse de la seconde guerre mondiale, le décret Jdanov, (du nom du préposé aux arts du comité central et du conseil des commissaires du peuple), achève la subordination de l’art à l’État :
"on considère que, s’il y a des malfaçons dans la production […], il est naturel d’émettre un blâme, mais s’il y a des malfaçons dans l’éducation des âmes humaines […], on peut l’admettre. Et pourtant, n’est-ce pas une faute plus pire [sic] ?"
La chasse aux sorcières est en marche : Chostakovitch, Mandelstam, Vertov, Eisenstein et bien d’autres en feront les terribles frais et, de campagnes d’intimidation en déportations, l’œil pervers de Staline usa de la manipulation et des revirements pour mieux asseoir sa domination.

C’est ainsi que Chostakovitch eut à subir le chaud et le froid soufflé par la mécanique implacable de broyage des individus, recevant six prix Staline tout en endurant, entre autres, deux campagnes de dénigrement particulièrement violentes : c’est toute la contradiction d’un régime qui, en écrasant les artistes sans relâche, montrait paradoxalement l’importance qu’il leur accordait.

Forcé à la coopération, subissant l’humiliation, Chostakovitch sut la plupart du temps exprimer sa résistance dans des partitions bien plus novatrices et équivoques qu’on ne l’a d’abord cru. Il évita ainsi ce que Siniavski dénonçait dans un texte paru dans la revue Kultura en 1957 pour dénoncer le réalisme socialiste : "Ce n’est ni du classicisme, ni du réalisme. C’est le demi-art demi-classique d’un non-réalisme à peine socialiste".
La doctrine momifiée du réalisme socialiste subsista jusqu’à l’éclatement de l’URSS en 1990 : Chostakovitch, lui, est mort en 1975.

 

L'art de l'engagement
Albert Camus n'eut de cesse de critiquer le totalitarisme soviétique et refusa farouchement toute compromission, prônant la résistance, multipliant les prises de position courageuses et refusant les idéologies.

Vous pouvez découvrir son Caligula jusqu'au 5 février. Et pour entendre les compositeurs qui lui ont été associés par les équipes de Caligula et de l'Orchestre de Paris, c'est ce samedi à 15h.

Bon mercredi.

 


* À l'instar de Janacek pour la Tchécoslovaquie à la même époque : j'en parlais sur le blog ici à l'occasion du Journal d'un disparu.


NB : "un galimatias musical" est le titre de l'article
anonyme (mais sans doute rédigé par Staline) publié dans La Pravda du 28 janvier 1936 pour attaquer l'opéra Lady Macbeth du district de Mzensk de Chostakovitch.

Bibliographie : Michel Aucouturier, Le Réalisme socialiste.
Solomon Volkov, Chostakovitch et Staline.

Pleins feux

4 musiciens et 3 sœurs

Posté le : 15 nov. 2010 07:00 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Orchestre de Paris : 4 concerts pour 4 quatuors

Samedi, quatre musiciens de l'Orchestre de Paris se mêlaient aux trois sœurs de Tchekhov pour un spectacle associant musique et théâtre :
entre des œuvres des compositeurs russes Taneïev et Tchaïkovski, les interprètes des Trois Sœurs lurent des lettres que l'actrice Olga Knipper adressa à son mari, Anton Tchekhov, autour de l'année 1900.

 



Lecture de lettres d'Olga Knipper entre le quatuor de Taneïev et celui de Tchaïkovski.

Debout, de gauche à droite : Joséphine Serre, Léopoldine Serre et Alexandrine Serre.
Assis, de gauche à droite : Pascale Meley, Antonin André-Requena, Nicolas Peyrat et Thomas Duran.

 



Les musiciens saluent après leur exécution du quatuor de Tchaïkovski. Les trois sœurs sont restées sur scène pour écouter le concert.

Debout, de gauche à droite : Pascale Meley, Antonin André-Requena, Nicolas Peyrat et Thomas Duran.
Assises, de gauche à droite : Joséphine Serre, Léopoldine Serre et Alexandrine Serre.


L'équipe salue après le spectacle.

De gauche à droite : Léopoldine Serre, Pascale Meley, Antonin André-Requena, Joséphine Serre, Nicolas Peyrat, Thomas Duran et Alexandrine Serre.

 

Une demi-heure plus tard, l'on put assister au premier café-débat de la saison sur le thème « faut-il rêver sa vie au risque de la perdre ? » avec Jean-Pierre Martin, écrivain, et Volodia Serre, metteur en scène des Trois Sœurs. J'aurai l'occasion de vous en reparler très vite.


Le prochain concert de l'Orchestre de Paris à l'Athénée aura lieu le 29 janvier à l'occasion de Caligula de Camus, sur le thème "néo-classique ou oppression".

Le prochain café-débat aura lieu le 12 mars 2011 autour du spectacle L'Échange de Claudel mis en scène par Bernard Lévy.

Les Trois Sœurs mis en scène par Volodia Serre se joue à l'Athénée jusqu'à samedi.

Bon lundi !

Pleins feux

La Belle au Bois Dormant

Posté le : 12 nov. 2010 07:00 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Orchestre de Paris : 4 concerts pour 4 quatuors

Mercredi, nous évoquions le compositeur Taneïev dont le Quatuor n°3 op.7 sera joué à l'Athénée demain à 15h par des musiciens de l'Orchestre de Paris.
Il se trouve que Taneïev fut l'élève de Tchaïkovski (qui l'incita d'ailleurs à composer des quatuors à cordes) dont l'on entendra également l'un des quatuors demain.

Tchaïkovski, tout le monde connaît : ou plutôt, tout le monde croit connaître. Casse-Noisette, Le Lac des Cygnes ou son Concerto pour violon* ont été joués et rejoués et souvent utilisés dans la publicité ou dans le cinéma. Tchaïkovski est en effet celui qui créa le genre du ballet symphonique avec La Belle au Bois Dormant, Casse-Noisette ou Le Lac des Cygnes justement, mais on l'a souvent résumé à cela.

Si l'originalité et la créativité de ses ballets ne sont pas à remettre en cause, il serait dommage d'oublier que Tchaïkovski a aussi composé des opéras superbes comme La Dame de Pique ou Eugène Onéguine et des œuvres de musique de chambre (quatuors ou trios par exemple) novatrices et essentielles dans la musique russe.

Plus ambiguës qu'elles ne semblent l'être au premier abord, les œuvres de Tchaïkovski mêlent classicisme et romantisme, musique russe et occidentale, art savant et folklore, orchestration brillante et mélodies féeriques. Ses opéras sont des chefs-d'œuvre extrêmement poignants, et sa musique du chambre permit la naissance du genre en Russie : son Quatuor n°1 op.11 est ainsi le premier quatuor à cordes composé par un Russe.
Le genre du quatuor à cordes, c'est en effet le symbole de la musique pure et l'emblème de la tradition occidentale (citons en particulier les quatuors de Haydn, Beethoven et Schubert qui font référence en la matière) : pourtant Tchaïkovski a réussi à se l'approprier pour donner à ses quatuors l'empreinte de sa personnalité tumultueuse et une coloration typiquement russe.

C'est le Quatuor à cordes n°3 op.30, le dernier qu'il a composé, qui sera joué à l'Athénée demain. Écrite en 1876 à Paris au cours de la composition du Lac des Cygnes, l'œuvre rencontra un immense succès en dépit des doutes de Tchaïkovski (qui avait de toutes façons une sérieuse tendance à dévaloriser son travail) : très émouvante au point de faire régulièrement pleurer ses auditeurs (on fera le test demain), la partition est considérée comme le chef-d'œuvre de la musique de chambre de Tchaïkovski.

À demain 15h pour écouter ce quatuor de Tchaïkovski et le Quatuor n°3 op.7 de Taneïev interprété par des musiciens de l'Orchestre de Paris !

À 17h30, vous pourrez assister gratuitement au café-débat "Faut-il rêver sa vie au risque de la perdre?" Et à 20h, place aux Trois Sœurs de Tchekhov mis en scène par Volodia Serre qui se joue encore une semaine.

Bon week-end !


* si si, vous le connaissez, surtout si vous avez vu le film Le Concert de Radu Mihaileanu.
Sinon, vous pouvez l'écouter ici dans la version d'Isaac Stern.

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