le blog de l'athénée

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Perspective

La vie rêvée

Posté le : 29 nov. 2010 06:29 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Oncle Vania

« Faut-il rêver sa vie au risque de la perdre ? » C'était le thème du café-débat qui a eu lieu à l'Athénée il y a deux semaines.
Animé par Lola Gruber, le débat réunissait Volodia Serre, metteur en scène des Trois Sœurs de Tchekhov passé à l'Athénée, et Jean-Pierre Martin, écrivain.

 

Dans le foyer-bar de l'Athénée.
De dos, le public. De face au fond, Jean-Pierre Martin, Lola Gruber et Volodia Serre.



Est-on maître de son destin, vit-on sa vie, décide-t-on de son existence ?
Jean-Pierre Martin et Volodia Serre ont donné quelques pistes de réponses à partir de leur vie personnelle et des pièces de Tchekhov, évoquant la question de la reproduction sociale conceptualisée par Pierre Bourdieu, l'idéalisation du passé chez les personnages de Tchekhov ou l'impression tenace que la génération d'avant vivait mieux que la nôtre.

L'on ne peut ainsi s'empêcher de penser à l'existentialisme dans le sens que lui donnait Jean-Paul Sartre et souvent résumé dans la phrase « l'existence précède l'essence » : selon Sartre (en le simplifiant), l'être humain aurait le choix de se définir au cours de sa vie ; il naît d'abord et se détermine ensuite : condamné à être libre, l'homme ne se construit que par ses choix. Ce sont ses choix qui définissent ce qu'il est, et il n'y a pas de nature humaine préalable.

(pour mémoire, j'avais fait une  courte note sur l'existentialisme à l'occasion du passage des Mains sales de Jean-Paul Sartre à l'Athénée, à (re)lire ici)

Dans le foyer-bar de l'Athénée.
De gauche à droite, Jean-Pierre Martin, Lola Gruber et Volodia Serre.

 

Mais à écouter Volodia Serre et Jean-Pierre Martin, j'ai également pensé à Jacques Bouveresse commentant Robert Musil. Jacques Bouveresse est un philosophe français vivant, qui a récemment été mis en avant dans les médias pour avoir refusé la légion d'honneur qui lui a été attribuée contre son gré en juillet dernier. Robert Musil est un écrivain autrichien (1880-1942) surtout connu pour L'Homme sans qualités.

D'après Jacques Bouveresse, L'Homme sans qualités pose entre autres la question de l'ironie de l'histoire ou, plus exactement, pourquoi l'histoire ne se réalise jamais de la manière que l'on voudrait. Si l'on parle d'Histoire avec un grand H, citons par exemple le déclenchement de la première guerre mondiale que personne n'avait prédit. Et si l'on parle d'histoire individuelle, notons que notre vie ne se passe jamais comme aimerions —en d'autres termes, le destin se réaliserait sans que nous n'ayons prise sur lui.

Si l'histoire ne se réalise donc pas par l'action des humains, elle se ferait, selon Musil analysé par Bouveresse, par des principes qui leur échappent, comme  :
- le plagiat (les hommes et femmes politiques reproduisent toujours les mêmes recettes et supposées solutions sans inventivité ni réflexion : Musil parle ainsi de « pensée de réserve »)
- la créativité de surface (l'on retrouve souvent la rhétorique du guide ou de l'homme providentiel en politique, alors que celui-ci n'a finalement que peu d'emprise réelle sur l'histoire. En effet, les changements n'adviendraient pas par le centre mais plutôt par la périphérie)
- le train-train (on laisse les choses se faire sans agir en espérant que les problèmes se résoudront d'eux-mêmes)
- l'amplification des erreurs dans la transmission de l'information (comme dans le jeu du téléphone arabe où une phrase passée d'une personne à l'autre finit déformée, le chemin que l'on souhaite suivre n'ira jamais dans le sens exact qu'on essaie de lui donner)
- l'amorphisme humain (il n'y a pas de nature humaine par excellence : l'être humain s'adapte aux conditions extérieures)
- la promenade sans but (l'histoire se réalise selon les lois du hasard, telle un promeneur qui, parti marcher sans but déterminé, s'arrêterait devant un immeuble, prenait le temps de discuter avec un passant et décidait de l'accompagner un bout de chemin pour tourner ensuite dans une rue qui lui paraîtrait intéressante, etc. C'est ainsi qu'il se retrouve à un point vers lequel il ne se dirigeait pas.).

Ce n'est pas pour autant que l'homme serait complètement impuissant à maîtriser sa vie et le cours de l'Histoire : car si l'histoire ne se fait jamais complètement comme on aimerait qu'elle se fasse et que l'imprévu arrive finalement plus souvent qu'on ne le croit, elle se fait à travers l'être humain qui peut, par de petites actions, faire pencher la balance (on se rapproche ici du principe de la créativité de surface selon lequel les changements adviennent par la périphérie). Ainsi, l'être humain pourrait faire l'histoire s'il voulait réellement la faire.

Pour plus de développements sur ces questions, on peut lire L'Homme sans qualités de Robert Musil traduit en français par Philippe Jacottet et Robert Musil. L'Homme probable, le hasard, la moyenne et l'escargot de l'histoire de Jacques Bouveresse.
Dans le cadre du cycle de débats « Théâtre des Idées » organisé par le Festival d'Avignon, Jacques Bouveresse a fait une intervention sur le thème de l'ironie de l'histoire à partir de laquelle j'ai écrit ce billet : il y développe entre autres ses analyses de l'œuvre de Musil en faisant des liens avec la situation actuelle. Vous pouvez l'écouter ici.

La plupart des personnages de La Cerisaie n'ont pas de prise sur leur histoire : incapables d'agir, ils laissent la vie se faire dans une époque qui les dépassent. C'est à l'Athénée dans la mise en scène de Paul Desveaux jusqu'au 11 décembre.

 

PS : vous pouvez (ré)écouter le café-débat ici. Le prochain café-débat aura lieu en mars autour du spectacle L'Échange de Claudel mis en scène par Bernard Lévy.
Jean-Pierre Martin publiera son prochain roman, Les Liaisons ferroviaires, en janvier 2011 aux éditions Champ Vallon.

Perspective

On y revient toujours

Posté le : 08 nov. 2010 09:00 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Oncle Vania

Tchekhov est ce genre d'auteur que l'on peut revoir inlassablement au théâtre tant ses textes semblent se révéler à chaque fois au gré des comédiens et des mises en scène : en regardant autour de moi, j'ai l'impression que beaucoup de spectateurs aiment bien aller voir plusieurs mises en scène d'une même pièce de Tchekhov et qu'une fois qu'on a commencé avec Tchekhov, on n'en finit jamais.

L'Athénée vous offre un cycle Tchekhov avec ses trois dernières pièces*, Oncle Vania, Les Trois Soeurs et La Cerisaie. Pour ma part, c'était la première fois que je voyais Oncle Vania, mais j'avais déjà vu Les Trois Soeurs et La Cerisaie.

Et vous, aviez-vous déjà vu ces trois pièces de Tchekhov ? Vous pouvez répondre au sondage en cliquant ici (c'est sur la droite) ou laisser un commentaire au billet.  Je suis également curieuse de voir dans quelles mises en scène vous les avez vues !
Je précise que je ne peux pas proposer plus de quatre possibilités de réponses et ne peux pas faire en sorte qu'on puisse en cocher plusieurs… Je vous laisse donc vous exprimer avec plus de diversité et de précisions en commentaire.

Avez-vous déjà vu Oncle Vania, Les Trois Soeurs et/ou La Cerisaie ?
Oui, j'ai déjà vu au moins l'une de ces trois pièces et j'aimerais la/les revoir à l'Athénée.
Oui, j'ai déjà vu au moins l'une de ces trois pièces mais je préfère aller voir autre chose.
J'ai déjà vu d'autres pièces de Tchekhov mais pas celles-ci. Je découvrirais avec plaisir une ou plusieurs de ces trois pièces à l'Athénée.
Je n'ai jamais vu/lu de pièces de Tchekhov.

Les Trois Soeurs mis en scène par Volodia Serre se joue encore deux semaines à l'Athénée! La Cerisaie mis en scène par Paul Desveaux commencera ensuite le 25 novembre.

 

* J'exclue Les Méfaits du tabac qui est un monologue publié après Les Trois Soeurs.

Coulisses

Les chaises

Posté le : 02 nov. 2010 07:02 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Oncle Vania

 

 

Les chaises d'Oncle Vania ont quitté l'Athénée ce week-end : rendez-vous à partir de jeudi pour la suite du cycle Tchekhov avec Les Trois Sœurs mis en scène par Volodia Serre qui y dirige ses trois propres sœurs, Joséphine, Léopoldine et Alexandrine Serre.

Perspective

"Forgeons, forgeons ensemble, nous serons forgerons"

Posté le : 29 oct. 2010 07:29 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Oncle Vania

Lorsque Oncle Vania mis en scène par Serge Lipszyc a été créé, le rôle titre était tenu par un professeur de technologie : la pièce a en effet d'abord été montée dans le cadre des rencontres de théâtre organisées tous les ans par l'ARIA, Association pour les Rencontres Internationales Artistiques en Corse.

Tenant autant de l'éducation populaire que de la décentralisation théâtrale, l'ARIA a été initiée par Robin Renucci en 1998 pour proposer des stages de théâtre mélangeant amateurs et professionnels, proposer une sensibilisation au théâtre dans les écoles et organiser des rencontres de théâtre tous les étés dans la vallée du Giussani, en Haute-Corse.
Ainsi les comédiens professionnels peuvent-ils bénéficier de formations spécifiques, mais il existe également des stages où amateurs, professeurs de l'Éducation Nationale et comédiens professionnels travaillent ensemble pour monter des pièces qui sont ensuite présentées au public au mois d'août.
Pendant l'année, l'ARIA monte également une collaboration de longue haleine avec des écoles primaires, des collèges et des lycées en sensibilisant leurs élèves au théâtre par des ateliers et des exercices de réflexion sur les textes, le tout souvent lié au patrimoine artistique et culturel de la Haute-Corse.

Dans la distribution actuelle d'Oncle Vania, quatre personnes ont été stagiaires à l'ARIA à des années différentes : Judith d'Aleazzo (rôle d'Éléna), Sylvain Méallet (assistant à la mise en scène et rôle du valet de ferme) et Estelle Clément-Bealem (Sonia) en tant que comédiens professionnels, Michèle Gaulupeau (la nourrice) en tant qu'amateure (elle est enseignante de lettres à la retraite). Serge Lipszyc (metteur en scène), Robin Renucci (Vania), René Loyon (Alexandre Sérébriakov) et Danièle Gauthier (la mère de Vania) y sont formateurs.

Les stages d'été de l'ARIA consistent à réunir des personnes de tous horizons à Olmi-Cappella pendant cinq semaines : la première semaine, les quatre-vingts stagiaires travaillent avec les formateurs (comédiens, metteurs en scène, costumiers, créateurs lumières, décorateurs, chanteurs, etc.). À la fin de cette première semaine, chaque metteur en scène propose le projet qu'il souhaite monter, et chaque stagiaire choisit celui auquel il veut participer. Il reste ensuite quatre semaines pour créer chaque spectacle avant de tous les présenter au public.

C'est ainsi que Serge Lipszyc a mis en scène Oncle Vania en plein air à Olmi-Cappella et que la production a été reprise dans une distribution remaniée à l'Athénée.
Si vous voulez participer aux stages de l'ARIA, que vous soyez comédiens, professeurs, avocats, maçons, agents de recouvrement ou serveurs dans un restaurant, c'est ici.
Si vous voulez soutenir l'ARIA, c'est .
Si vous voulez voir Oncle Vania, c'est à l'Athénée ce soir à 20h et demain à 15h et 20h.

La semaine prochaine, le cycle Tchekhov continue avec Les Trois Soeurs mis en scène par Volodia Serre qui joue dans le spectacle ainsi que ses trois vraies sœurs, Alexandrine, Joséphine et Léopoldine Serre.


La programmation de films en lien avec Tchekhov continue au cinéma le Balzac : ce samedi ou mercredi prochain à 11h, venez découvrir La petite Lili de Claude Miller !

Bon week-end de la Toussaint et à mardi !

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