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Pleins feux

"Toujours les vieux veulent qu'on les respecte"

Posté le : 31 mai 2010 08:01 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé

Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau se joue à l’Athénée depuis jeudi dans la mise en scène de Benjamin Lazar.

Pour découvrir la pièce et/ou vous la remettre en mémoire, voici le début de la première scène de l’acte I.

 

Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé
1623

Théophile de Viau



Acte 1, Scène 1
Thisbé, Bersiane



"Thisbé

Du bruit et des fâcheux aujourd'hui séparée,
Ma seule fantaisie avec moi retirée,
Je puis ouvrir mon âme à la clarté des cieux,
Avec la liberté de la voix et des yeux ;
Il m'est ici permis de te nommer, Pyrame,
Il m'est ici permis de t'appeler mon âme ;
Mon âme, qu'ai-je dit ? c'est fort mal discourir,
Car l'âme nous fait vivre et tu me fais mourir.
Il est vrai que la mort que ton amour me livre
Est aussi seulement ce que j'appelle vivre :
Nos esprits sans l'amour assoupis et pesants,
Comme dans un sommeil passent nos jeunes ans ;
Auparavant qu'aimer on ne sait point l'usage
Du mouvement des sens ni des traits du visage ;
Sans cette passion les plus lourds animaux
Connaîtraient mieux que nous et les biens et les maux.
Notre destin serait comme celui des arbres,
Et les beautés en nous seraient comme des marbres
En qui l'ouvrier gravant l'image des humains
Ne saurait faire agir ni les yeux, ni les mains.
Un bel oeil dont l'éclat ne luit qu'à l'aventure,
C'est comme le soleil que cachait la nature
Auparavant qu'il fût entré dans ses maisons
Et qu'il pût discerner la beauté des saisons.
Moi, je crois seulement depuis l'heure première
Que l'amour me toucha d'avoir vu la lumière,
Et que mon coeur ne vint à respirer le jour
Que dès l'heure qu'il vint à soupirer d'amour ;
Et combien que le Ciel fasse couler ma vie
Dans cette passion avec un peu d'envie,
Que mille empêchements combattent mes désirs
Et qu'un triste succès menace nos plaisirs,
Que les discords mutins d'une haine ancienne
Divisent la maison de Pyrame et la mienne,
Qu'hommes, Ciel, temps et lieux, nuisent à mon dessein,
Je ne saurais pourtant me l'arracher du sein,
Et quand je le pourrais je serais bien marrie
Que d'un si cher tourment mon âme fût guérie.
Une telle santé me donnerait la mort ;
Le penser seulement m'en fâche et me fait tort.

Bersiane
Comment vous être ainsi de nous tous éloignée !
Osez-vous bien aller sans être accompagnée ?
Tout le monde au logis est en peine de vous,
Et surtout votre mère en est en grand courroux.

Thisbé
Pourquoi cela ? ma vie est-elle si suspecte ?

Bersiane
Non ! mais toujours les vieux veulent qu'on les respecte ;
Vous deviez pour le moins un de nous avertir,
Faire quelque semblant que vous alliez sortir. "

 

Ce soir, Benjamin Lazar vous propose de découvrir le film Le Pont des Arts réalisé par Eugène Green.
C'est ce soir à 20h30 au cinéma Le Balzac (Paris 8e) en présence d'Eugène Green et de l'équipe du spectacle Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé. Plus d'informations ici.

Le spectacle se joue jusqu'au 12 juin! Bon début de semaine.