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Le père éternel

Posté le : 17 juin 2009 08:00 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Archives

Dans le bureau de la communication et des relations publiques de l’Athénée où officient Florence Cognacq, Églantine Desmoulins, Alexandra Maurice et Inès Slama se trouve un portrait de Samuel Beckett en grand format.

En connaître la provenance me sembla d’abord être une mission facile, mais je pus rapidement constater que mes sources habituelles, à savoir Denis Léger (directeur technique), Dominique Lemaire (directeur technique adjoint) et Patrice Martinet (directeur de l’Athénée), séchaient complètement sur la question.
Cela ne dérangeait manifestement pas Patrice Martinet que ce Samuel Beckett soit, pour le citer, comme “un père éternel dont on ignore l’origine”: pour ma part, étant du genre opiniâtre, je me transformai rapidement en Inspecteur Clémence pour élucider l’affaire ô combien cruciale.

Un coup de téléphone à Danielle Le Stanc, ancienne responsable des relations publiques à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, m’apprit que le portrait était l’oeuvre de la photographe Brigitte Enguérand.
Danielle Le Stanc avait pour habitude de constituer des vitrines autour des spectacles dans le bar de l’Athénée, et que c’est à l’occasion d’une pièce de Beckett qu’elle y avait accroché ce portrait.
Elle m’apprit également que Samuel Beckett avait écrit une lettre à Josyane Horville, l’ancienne directrice de l’Athénée, qui lui avait proposé de venir à l’Athénée pour voir Fragments de théâtre I et II dont il est l’auteur: d’après Danielle Le Stanc, il avait poliment décliné l’invitation en prétextant, sans doute avec ironie, qu’il n’allait jamais au théâtre.

 

© Brigitte Enguérand


Si Danielle Le Stanc m’avait bien aiguillée (et mis l’eau à la bouche, et si cette lettre manuscrite de Samuel Beckett se trouvait encore dans les archives de l’Athénée?), elle ne m’avait pas donné le contexte du portrait: elle pensait bien à l’enterrement de Roger Blin, mais les faits remontant à presque vingt-cinq ans, une confirmation (et, accessoirement, une autorisation de publier cette photo sur le blog) s’imposait.

Jointe elle aussi au téléphone, Brigitte Enguérand, en plus de me donner l’autorisation gracieuse de publier sa photo au carré (c’est-à-dire sa photo prise en photo par votre serviteur), m’apprit que le portrait avait été réalisé à l’occasion d’une rencontre personnelle avec Samuel Beckett au Théâtre du Rond Point.

La réponse de Brigitte Enguérand ne me disait pas pourquoi Danielle Le Stanc avait pensé à l’enterrement de Roger Blin pour le contexte de ce portrait, ni si cette lettre manuscrite de Samuel Beckett se trouvait encore dans les cartons de l’Athénée.

Ce fut l’occasion d’une fouille intégrale de l’année 1987 des archives du Théâtre, heureusement très bien classées par Ève Plichart, stagiaire à la Bibliothèque Nationale de France dépêchée à l’Athénée.

Toute excitée à l’idée de peut-être dénicher une lettre manuscrite de Beckett, je fus un peu déçue de ne trouver que le double de la lettre que Josyane Horville lui avait fait parvenir: si cela peut vous consoler, sachez qu’à l’époque Samuel Beckett résidait au 38 du boulevard Saint Jacques dans le 14e arrondissement de Paris.

La déception de ne pas retrouver cette lettre fut compensée par la découverte d’une autre photo de Samuel Beckett:

©Bernard Morlino

Au dos figurait l’inscription manuscrite : “Samuel Beckett à l’enterrement de Roger Blin, le 27 janvier 1984” accompagnée du nom du photographe, Bernard Morlino.

Contrairement à Brigitte Enguérand dont les coordonnées se trouvaient dans les fichiers de l’Athénée, contacter Bernard Morlino ne fut pas chose aisée, mais un mail un peu hasardeux envoyé sur un blog trouva vite une réponse. Si le monsieur donne aujourd’hui dans le journalisme sportif, il fut bien photographe de théâtre dans ces années-là avant d’y renoncer à la mort d’Antoine Vitez.

Deux photos originales de Samuel Beckett et une promesse de lettre manuscrite: les archives de l’Athénée renferment sans doute de nombreux autres secrets.
Quant à moi, comme dirait le personnage bien connu d’une pièce de théâtre bien connue d’un auteur bien connu qu’on associe souvent à Beckett, mon vrai nom est Sherlock Holmes.

(Cette pièce de théâtre se joue d’ailleurs à l’Athénée l’année prochaine : pour découvrir la saison 09-10, cliquez ici!)

Bonne journée à tous.