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Entretien

Chauve qui peut !

Posté le : 01 mai 2009 08:01 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Artistes de la saison | La Cantatrice chauve - opéra

(J’ai fait ce jeu de mots pourri à l’insu de mon plein gré)

Entretien avec François Berreur

François Berreur est le metteur en scène de l’opéra La Cantatrice chauve représenté à l’Athénée jusqu’à dimanche. Conversation au foyer-bar du théâtre une heure avant la répétition générale :

«_ Vous avez été le collaborateur de Jean-Luc Lagarce qui avait lui-même monté une Cantatrice chauve créée en 1991 et reprise à l’Athénée en 2007 : est-ce que cela a une signification particulière pour vous de travailler une nouvelle fois sur ce texte?
_ C’est Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, qui m’a sollicité pour faire cette mise en scène. Cela ne me dérange pas de retravailler sur La Cantatrice chauve après ma collaboration avec Jean-Luc Lagarce : au moins, je connais bien le texte… C’est de toutes façons le travail de beaucoup de metteurs en scène, de monter des textes que plein d’autres metteurs en scène ont monté avant vous. Je pense en tout cas avoir mis en place un univers vraiment différent du spectacle de Jean-Luc Lagarce. Enfin je crois, peut-être que non, en fait!

_ C’est votre première mise en scène d’opéra : est-ce que c’est difficile de passer du monde théâtral au monde lyrique?
_ C’est surtout un plaisir, et quelque part c’est même plus facile : je suis toujours très attentif au rythme de mes spectacles, et dans l’opéra tout est déjà mesuré dans le temps grâce à la musique! Mais mentalement, c’est globalement la même chose, avec simplement davantage d’indications. Il faut rentrer dans deux univers, celui de l’auteur, Eugène Ionesco, et du compositeur, Jean-Philippe Calvin ; je me suis d’ailleurs beaucoup appuyé sur les différences entre le livret et la pièce.
Mais le rapport entre la pièce, le livret, la musique et la mise en scène sont vraiment différents : la pièce et l’opéra sont des choses définitives alors que la mise en scène est éphémère, et j’espère que d’autres monteront cet opéra après moi !

_ Je crois que c’est la question du langage qui est, pour vous, au cœur de La Cantatrice chauve, est-ce que vous pourriez expliquer pourquoi?

_ Oui, à mon avis le texte d’Eugène Ionesco est une pièce de rupture sur le langage, et le point central est vraiment l’uniformisation du discours. Le langage est complètement déconstruit jusqu’à un certain moment où cela ne fonctionne plus et que cela éclate : à la fin, on assiste à une véritable explosion de la langue où la sociabilité n’est plus possible.
Mais la pièce est également une mise en abyme théâtrale, car elle garde son sens même lorsqu’elle est censée ne plus en avoir : la langue théâtrale est visible même lorsqu’elle est déconstruite…
La musique composée par Jean-Philippe Calvin va d’ailleurs dans ce sens en faisant quelques références musicales, en se rapportant à quelque chose que l’on connaît pour tout destructurer ensuite.

_ J’imagine que le décor et les lumières du spectacle s’inscrivent dans la même idée?
_ Oui, le canapé et la table basse proviennent d’une marque d’ameublement célèbre : on connaît tous ces meubles, soit qu’on ait les mêmes chez soi, soit qu’on les ait vus chez ses voisins ou ses amis. Il n’y a rien de particulier dans ces objets qui plaisent à tout le monde, et tout le monde a ou pourrait avoir les mêmes : c’est le degré zéro de la décoration, et la scénographie blanche renforce cette uniformisation.
Il n’y a rien d’autre sur scène, parce que la pièce est comme un univers mental dans lequel on voyage : on se retrouve dans l’esprit de Monsieur Smith ou Monsieur Martin apprenant une langue étrangère, et l’imagination y occupe une grande place. Lorsqu’on apprend une langue, car cela été le point de départ d’Eugène Ionesco pour écrire La Cantatrice chauve, on imagine des personnages qui se mettent à parler et ont une vie propre, mais on a une vision très basique de leur existence. Et dans le spectacle, cette pensée devient réelle : les personnages sont interchangeables, la bonne récite un poème qui nous propulse sur une scène de music-hall… Ce qu’on imagine est réalité !»

Laissez libre cours à votre imagination pour les deux dernières représentations de La Cantatrice chauve qui se joue à l’Athénée encore ce week-end, et bon premier mai!