le blog de l'athénée

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Ils ont blogué pour l’athénée pendant 10 ans
Coulisses

Nous avons les moyens de vous assister

Posté le : 16 juin 2009 08:08 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : La Cantatrice chauve - opéra

Contrairement à ce que l’on pourrait peut-être penser, assister le metteur en scène ne consiste pas à lui apporter du café et l'aider à porter ses paquets, mais il faut bien préciser que le mot prend, selon les équipes, des sens assez caractérisés.

Au cours de la saison passée, l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet a accueilli quelques pièces montées par des metteurs en scène assistés: avec En attendant Godot, Cosi fan tutte et La Cantatrice chauve, explorons cette fonction souvent cachée mais surtout très variée.

La Cantatrice chauve - François Berreur

François Berreur a mis en scène l’opéra La Cantatrice chauve donné du 30 avril au 3 mai à l’Athénée et présentera deux spectacles la saison prochaine: Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne de Jean-Luc Largarce et La Cantatrice chauve d’Ionesco dont il reprend la mise en scène du même Jean-Luc Lagarce.
Il faut dire que François Berreur a été très proche de l’auteur et metteur en scène disparu en 1995 et que leur collaboration s’est construite sur la durée, François Berreur étant parfois assistant de Lagarce sur certains spectacles.
Chargé de l’organisation pratique de la mise en scène, François Berreur explique qu’il était là également en tant que regard extérieur, disant si ce qu’il voyait sur scène correspondait à la ligne que Jean-Luc Lagarce avait exprimée.
François Berreur est ensuite passé de l’assistant au metteur en scène dans la continuité: au décès de Jean-Luc Lagarce, il a achevé la mise en scène de Lulu d’après Wedekind que celui-ci avait commencée sans avoir le temps de la terminer. Grâce à François Berreur, Lulu dans la mise en scène de Jean-Luc Lagarce a ainsi été créé en décembre 1995 à… l’Athénée.

La Cantatrice chauve - Gilda Cavazza

L’assistant passé metteur en scène n’a pas perdu l’habitude de travailler à plusieurs, et Gilda Cavazza a été son assistante sur l’opéra La Cantatrice chauve. Sortant d’une expérience d’assistanat avec un autre metteur en scène, elle a pu nous donner deux points de comparaison.
Sur ce spectacle précédent, il s’agissait d’une tâche assez complète où elle réfléchissait autant à la dramaturgie, au jeu, à la scénographie ou aux comédiens, ayant un rôle artistique même si les idées qu’elles soumettaient n’avaient peut-être pas la légitimité d’un véritable collaborateur artistique.
Ce qui l’a plus marquée dans La Cantatrice chauve reste le rapport au lieu même de l’Athénée: étant dans un lieu extérieur n’appartenant pas au metteur en scène, il s’agissait non seulement de faire la jonction entre les équipes techniques et artistiques mais aussi de prendre en charge les trois hiérarchies différentes créées par cet accueil, à savoir la compagnie théâtrale, l’orchestre Lamoureux et l’Athénée.
De même, le temps très court de la création a poussé l’équipe artistique a être extrêmement rapide et efficace, d’autant que l’équipe technique de l’Athénée a vite eu besoin d’éléments précis.
Pendant les répétitions, sa tâche était d’observer et ensuite, après les répétitions, d’aller faire part de ses impressions essentielles à François Berreur concernant des points techniques, dramaturgiques ou visuels; il s’agissait donc d’un travail d’observation et de réflexion sur le travail en cours, sans que Gilda Cavazza se définisse pour autant comme un regard extérieur.
Hors du temps des répétitions, Gilda Cavazza prenait en charge l’organisation technique, logistique et humaine de la mise en scène, comme l’élaboration des différents plannings, la gestion de problèmes techniques ou encore la réception des costumes (entre autres nombreux exemples!) : véritable pont communiquant, Gilda Cavazza faisait le lien entre tous les membres de l’équipe.
Malgré la diversité de ces expériences d’assistanat à la mise en scène, Gilda Cavazza n’estime pas pour autant qu’il s’agit d’un métier si flou: selon elle, l’assistant a toujours un rôle précis même s’il existe différents types d’assistants et différents processus par rapport à la création qui peuvent varier d’un metteur en scène à l’autre, voire d’un spectacle à l’autre, y compris des spectacles créés par la même équipe. Si le début est souvent incertain et que l’assistant doit d’abord être aux aguets pour comprendre où se situe exactement sa place, son rôle est rapidement défini et ses tâches très concrètes.
 

Cosi fan tutte - Marie-Édith Le Cacheux

Pour Cosi fan tutte qui s'est joué à l'Athénée du 31 mars au 4 avril, le metteur en scène Yves Beaunesne s'est adjoint les services de Sophie Petit et Marie-Édith Le Cacheux, toutes deux désignées comme "assistantes à la mise en scène", mais chacune dans deux rôles bien distincts, d'autant qu'Yves Beaunesne avait également choisi un collaborateur artistique à la mise en scène, Jean Gaudin.
Sophie Petit et Marie-Édith Le Cacheux étaient dans un rapport de complémentarité, la première ayant une grande expérience de l’opéra là où la seconde vient plutôt du milieu théâtral, toutes deux aux côtés d’Yves Beaunesne, metteur en scène de théâtre travaillant de plus en plus à l’opéra.
Sophie Petit prenait en charge la notation de la mise en scène et l’établissement des plannings de répétition avec une relation directe avec le metteur en scène et les chanteurs, tandis que Marie-Édith Le Cacheux avait surtout un rôle technique de mémoire des répétitions, prenant des notes sur la partition de Cosi fan tutte au fur et à mesure de l’avancée du travail.
Marie-Édith le Cacheux ne se revendique donc pas comme une collaboratrice artistique, se voyant davantage comme un régisseur chargé de faire le lien entre Yves Beaunesne et ses autres collaborateurs comme le costumier, les décorateurs ou l’orchestre, d’organiser les répétitions et d’accompagner le metteur en scène au quotidien dans son travail.

Sur Cosi fan tutte, Marie-Édith Le Cacheux cumulait également son rôle d’assistante à la mise en scène avec d’autres fonctions: responsable de la logistique de la tournée de Cosi fan tutte (il s’agit alors d’organiser la tournée au niveau très pratique des voyages, réservations d’hôtel ou des relations avec les salles accueillant le spectacle), elle était également chargée du surtitrage de l’opéra où il s’agit de saisir sur le logiciel de surtitres la traduction française du livret de Da Ponte et d’assurer sa projection au fur et à mesure du spectacle pendant la représentation.
(Et nous ne pouvons donc que lui souhaiter d’avoir pu prendre des vacances après Cosi fan tutte)

En attendant Godot - Jean-Luc Vincent

Jean-Luc Vincent était à la fois dramaturge et assistant aux côtés du metteur en scène Bernard Levy sur En attendant Godot qui s'est joué à l'Athénée en mars dernier.
Le dramaturge désigne souvent l'auteur de textes de théâtre, mais dans notre cas il s'agit du deuxième sens que l'on donne au mot : autrement dit, le dramaturge est l'intellectuel de l'équipe qui, aux côtés du metteur en scène, travaille avant les répétitions sur le texte, l'étudie, l'analyse et prend en charge les recherches historiques, biographiques, littéraires (et caetera) à effectuer pour compléter la réflexion sur la mise en scène. Véritable caution intellectuelle, il contribue évidemment à la création artistique du spectacle.

Pendant les répétitions dont il avait conçu le calendrier, Jean-Luc Vincent assistait Bernard Levy et tenait une sorte de journal des répétitions où il prenait tout en note: mémoire de l'équipe, il aidait les acteurs à reproduire de jour en jour les scènes selon le travail effectué la veille mais était également le garant du respect du texte qu'il suivait toujours des yeux. Intervenant peu pendant le travail avec les acteurs, il discutait toujours beaucoup avec Bernard Levy hors du temps de répétitions.


Pour la saison 2009-2010 de l’Athénée, d’autres assistants à la mise en scène viendront contribuer aux nombreux spectacles théâtraux qu’offre l’Athénée: pour les découvrir, cliquez ici!

Bon mardi.

Pleins feux

Flash-back

Posté le : 15 juin 2009 08:31 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : La Cantatrice chauve - opéra

La saison 2008-2009 de l’Athénée s’est terminée avec Les Mains sales et Les Justes (ou Les Mains justes, pour ceux qui voudront aller plus vite), mais vous souvenez-vous des spectacles qui ont habité l’Athénée et ce blog depuis septembre dernier?
Flash-back (ou analepse, pour ceux qui préfèrent éviter les anglicismes) très subjectif:

 

Le texte oublié sur le banc de Rêve d’automne
de Jon Fosse mis en scène par David Géry.



«Il y a quelque chose qui pourrait toucher à la pornographie dans l’opéra.»
Paul-Alexandre Dubois, le metteur en scène de L’Opéra de quatre notes de Tom Johnson en entretien sur le blog.

Extrait du Tribun/Finale de Mauricio Kagel mis en scène par Jean Lacornerie:
«La police, c’est vous!»

 

La seule photo que j’avais réussi à prendre de Claus Peymann/Sik Sik,
le spectacle double de Carlo Cecchi.

 

«Si tu veux essayer de plaire à tout prix, tu pleures dès que tu en entends un tousser dans la salle! Si je peux te donner un conseil : pense à ta grand-mère et fais une œuvre!»
Céline Sallette, actrice dans après la répétition d'Ingmar Bergman mis en scène par Laurent Laffargue, à des étudiants en art venus voir le spectacle.

 

Le Magazine, l’émission de Lionel Esparza diffusée sur France Musique en direct de l’Athénée à l’occasion des voix d’Olivier Messiaen.

 

«Cette compagnie est un véritable collectif, une troupe où on travaille dans le sens de l'œuvre et non dans celui des individualités. C'est un dialogue constructif où tout le monde va dans la même direction.»
Jean-Philippe Salerio, le metteur en scène de l’opérette La Cour du Roi Pétaud, en entretien sur le blog.

 

Les bouts de bois que l’on frappe l’un contre l’autre dans
La Puce à l’oreille de Georges Feydeau mis en scène par Paul Golub pour faire un bruit de claque.

 

Les enfants partant du premier concert de Claire-Marie Le Guay, pianiste en résidence à l’Athénée: un deuxième concert a suivi, et vous pourrez la retrouver l’année prochaine!

 

Le lustre magnifique de l’opéra Les Enfants terribles de Jean Cocteau et Philip Glass mis en scène par Paul Desveaux.

 

«Dans En attendant Godot, chaque réplique ouvre mille portes…»
Patrick Zimmermann, comédien dans En attendant Godot de Samuel Beckett mis en scène par Bernard Levy, en entretien sur le blog.



La traduction française de la morale de Cosi fan tutte, l’opéra de Mozart et Da Ponte mis en scène par Yves Beaunesne et dirigé par François Bazola:
«Heureux celui qui, malgré les ennuis, arrive à prendre la vie du bon côté…»

 

Chantal et Gérard: c’est le prénom des deux spectateurs qui, après avoir vu Riders to the Sea de Ralph Vaughan Williams d’après John Millington Synge à l’Athénée, ont décidé de se rendre sur les îles d’Aran où se déroulait l’action de l’opéra.

Un concentré (et une sélection!) des effets sonores que l’on pouvait entendre dans La Cantatrice chauve, un opéra de Jean-Philippe Calvin d’après Eugène Ionesco mis en scène par François Berreur.
(Retrouvez la vidéo ici sur YouTube)

 


«À quel monde meilleur rêvez-vous? Et comment allez-vous le construire?»
étaient les questions posées pour le cinquième forum de discussion des jeunes organisé par l’Athénée: le 15 mai dernier, quatre cents lycéens ont ainsi pu débattre à l’Athénée avec Daniel Cohn-Bendit, François Durpaire, Susan Georges et Bruno Rebelle.

 

Après trois ans de résidence et quatre concerts cette saison à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, le Quatuor Psophos tire sa révérence avec le concert de clôture, Brahms/Strauss, dans le décor des Mains sales.



«Le théâtre de l’engagement, c’est peut-être vouloir défendre le texte dans un monde où les paroles sont sommées de laisser la place à l’image, où le fond cède à la forme. Mais quand il n’y a plus de paroles, c’est le début de la barbarie! C’est ce que nous combattons.»
Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène des Mains sales de Jean-Paul Sartre et des Justes de Camus, en entretien sur le blog.

La troupe des Justes d’Albert Camus mis en scène par Guy-Pierre Couleau salue pour sa dernière représentation à l’Athénée.

Le public de la présentation de la saison 2009-2010 de l’Athénée commençant à sortir du théâtre: si vous n’avez pas pu y assister, cliquez ici pour découvrir les spectacles que vous propose l’Athénée à partir de septembre prochain!

 

 

Et vous, qu’avez-vous retenu de cette saison 2008-2009 de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet? Pour nous le dire, cliquez ici et laissez un commentaire sur le blog!

Bon début de semaine à tous.


PS : des commentaires au billet de jeudi se sont ajoutés pendant le week-end, promis, je vous réponds aujourd’hui! Le sondage sur votre lecture du blog est toujours actif.

 

Perspective

Ça se produit

Posté le : 04 mai 2009 07:16 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : La Cantatrice chauve - opéra

La création française de La Cantatrice chauve, l’opéra de Jean-Philippe Calvin composé sur le texte d’Eugène Ionesco, s’est terminée hier à l’Athénée dans la mise en scène de François Berreur et la direction musicale de Vincent Renaud avec l’orchestre Lamoureux.

Comme je vous l’expliquais mardi dernier, il existe plusieurs types de contrats liant l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet aux artistes qu’il programme. Exceptionnellement, La Cantatrice chauve est une coproduction du Théâtre et de l’orchestre Lamoureux avec la compagnie de François Berreur, Les Intempestifs.
On l’a dit, monter une production est une tâche très lourde que l’Athénée réalise extrêmement rarement. La Cantatrice chauve a en fait bénéficié de circonstances particulières que Patrice Martinet, directeur de l’Athénée, nous a détaillées :

«_ L’opéra a d’abord été créé en 2006 à Covent Garden à Londres dans une version qui ne satisfaisait pas entièrement son compositeur, Jean-Philippe Calvin, qui a décidé d’en réécrire une version définitive. Une fondation liée à une grande banque britannique avait souhaité soutenir le projet d’une nouvelle création de l’œuvre, et cette nouvelle production de La Cantatrice chauve devait se jouer à Londres et à l’Athénée qui devait accueillir le spectacle selon ses habitudes, en coréalisation.

Malheureusement, la crise financière étant intervenue entre-temps, la fondation décida de se retirer du financement du projet : seulement, pour l’Athénée comme pour l’orchestre Lamoureux, les dates étaient déjà programmées!
Annuler un spectacle prévu et annoncé  auprès du public paraissait impossible, d’autant que l’Athénée et l’orchestre Lamoureux tenaient au projet : faire découvrir Jean-Philippe Calvin, brillant compositeur français paradoxalement très connu en Grande-Bretagne et aux États-Unis mais moins en France et accompagner l’orchestre Lamoureux dans un projet artistique original et ambitieux ont ainsi été le moteur d’une aventure de longue haleine. L’orchestre Lamoureux a donc travaillé main dans la main avec l’Athénée et la compagnie Les Intempestifs pour trouver des partenaires souhaitant s’associer au projet.

La Cantatrice chauve
a ainsi reçu le soutien exceptionnel de la New York University in France, qui a associé son quarantième anniversaire au centenaire d’Eugène Ionesco. Pour les quatre-vingts ans de Tom Bishop, ancien directeur de cette université, professeur très attaché à la culture française et ami de l’Athénée, le cadeau d’anniversaire du comité des amis de Tom Bishop fut une représentation de La Cantatrice chauve à l’Athénée...
Le projet a également obtenu l’aide de la SPEDIDAM et de l’ADAMI, deux organismes qui veillent aux droits des artistes-interprètes, ainsi que du Fonds de Création Lyrique initié par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques pour soutenir la création contemporaine en opéra, théâtre musical et comédie musicale et qui, outre la SACD, réunit le Ministère de la Culture, l’ADAMI et le Fonds pour la Création Musicale. La Cantatrice chauve devrait aussi bénéficier du soutien de la ville de Paris.

Nous espérons que La Cantatrice chauve pourra être programmée ailleurs : c’est un spectacle avec une vingtaine de musiciens et de jeunes chanteurs qui est certes plus important qu’une pièce de théâtre mais beaucoup plus léger qu’un opéra : nous militons pour que ces petites formes lyriques aient leur place, car elles permettent de rendre l’opéra accessible à un public plus large

Souhaitons donc longue vie à cette Cantatrice chauve et la bienvenue aux Mains sales de Jean-Paul Sartre qui arrivent à l’Athénée dès jeudi dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau !

Bon lundi

Entretien

Chauve qui peut !

Posté le : 01 mai 2009 08:01 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : La Cantatrice chauve - opéra

(J’ai fait ce jeu de mots pourri à l’insu de mon plein gré)

Entretien avec François Berreur

François Berreur est le metteur en scène de l’opéra La Cantatrice chauve représenté à l’Athénée jusqu’à dimanche. Conversation au foyer-bar du théâtre une heure avant la répétition générale :

«_ Vous avez été le collaborateur de Jean-Luc Lagarce qui avait lui-même monté une Cantatrice chauve créée en 1991 et reprise à l’Athénée en 2007 : est-ce que cela a une signification particulière pour vous de travailler une nouvelle fois sur ce texte?
_ C’est Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, qui m’a sollicité pour faire cette mise en scène. Cela ne me dérange pas de retravailler sur La Cantatrice chauve après ma collaboration avec Jean-Luc Lagarce : au moins, je connais bien le texte… C’est de toutes façons le travail de beaucoup de metteurs en scène, de monter des textes que plein d’autres metteurs en scène ont monté avant vous. Je pense en tout cas avoir mis en place un univers vraiment différent du spectacle de Jean-Luc Lagarce. Enfin je crois, peut-être que non, en fait!

_ C’est votre première mise en scène d’opéra : est-ce que c’est difficile de passer du monde théâtral au monde lyrique?
_ C’est surtout un plaisir, et quelque part c’est même plus facile : je suis toujours très attentif au rythme de mes spectacles, et dans l’opéra tout est déjà mesuré dans le temps grâce à la musique! Mais mentalement, c’est globalement la même chose, avec simplement davantage d’indications. Il faut rentrer dans deux univers, celui de l’auteur, Eugène Ionesco, et du compositeur, Jean-Philippe Calvin ; je me suis d’ailleurs beaucoup appuyé sur les différences entre le livret et la pièce.
Mais le rapport entre la pièce, le livret, la musique et la mise en scène sont vraiment différents : la pièce et l’opéra sont des choses définitives alors que la mise en scène est éphémère, et j’espère que d’autres monteront cet opéra après moi !

_ Je crois que c’est la question du langage qui est, pour vous, au cœur de La Cantatrice chauve, est-ce que vous pourriez expliquer pourquoi?

_ Oui, à mon avis le texte d’Eugène Ionesco est une pièce de rupture sur le langage, et le point central est vraiment l’uniformisation du discours. Le langage est complètement déconstruit jusqu’à un certain moment où cela ne fonctionne plus et que cela éclate : à la fin, on assiste à une véritable explosion de la langue où la sociabilité n’est plus possible.
Mais la pièce est également une mise en abyme théâtrale, car elle garde son sens même lorsqu’elle est censée ne plus en avoir : la langue théâtrale est visible même lorsqu’elle est déconstruite…
La musique composée par Jean-Philippe Calvin va d’ailleurs dans ce sens en faisant quelques références musicales, en se rapportant à quelque chose que l’on connaît pour tout destructurer ensuite.

_ J’imagine que le décor et les lumières du spectacle s’inscrivent dans la même idée?
_ Oui, le canapé et la table basse proviennent d’une marque d’ameublement célèbre : on connaît tous ces meubles, soit qu’on ait les mêmes chez soi, soit qu’on les ait vus chez ses voisins ou ses amis. Il n’y a rien de particulier dans ces objets qui plaisent à tout le monde, et tout le monde a ou pourrait avoir les mêmes : c’est le degré zéro de la décoration, et la scénographie blanche renforce cette uniformisation.
Il n’y a rien d’autre sur scène, parce que la pièce est comme un univers mental dans lequel on voyage : on se retrouve dans l’esprit de Monsieur Smith ou Monsieur Martin apprenant une langue étrangère, et l’imagination y occupe une grande place. Lorsqu’on apprend une langue, car cela été le point de départ d’Eugène Ionesco pour écrire La Cantatrice chauve, on imagine des personnages qui se mettent à parler et ont une vie propre, mais on a une vision très basique de leur existence. Et dans le spectacle, cette pensée devient réelle : les personnages sont interchangeables, la bonne récite un poème qui nous propulse sur une scène de music-hall… Ce qu’on imagine est réalité !»

Laissez libre cours à votre imagination pour les deux dernières représentations de La Cantatrice chauve qui se joue à l’Athénée encore ce week-end, et bon premier mai!

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