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Coup de théâtre

Les nouveaux monstres

Posté le : 19 mai 2018 06:00 | Posté par : Clémence Hérout
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Nous discutions jeudi soir avec Karim Bel Kacem, auteur et metteur en scène de 23 rue Couperin, sur le matériau documentaire à partir duquel il a construit son spectacle. Lorsque je lui ai demandé plus de précisions sur le « regard idiot » qu’il dit chercher à développer sur la cité, voici ce qu’il m’a répondu :

« Je ne mène pas un projet documentaire recherchant l’objectivité, préférant plutôt définir une subjectivité à mettre en place. J’ai commencé à travailler sur les éléments constitutifs de mon quartier, à savoir le fait qu’il s’agit d’un ancien pigeonnier et que chaque immeuble porte le nom d’un compositeur.
Il me semblait poétiquement et politiquement intéressant, sans porter de jugement de valeur ou anticiper une solution ou des explications, d’adopter un point de vue animal. D’où le sous-titre du spectacle, “point de vue d’un pigeon sur l’architecture”. L’animal observe les choses humaines sans forcément les interpréter. D’ailleurs, j’ai découvert ensuite le roman Anima de Wajdi Mouawad, qui s’ouvre sur une scène violente décrite du point de vue d’un chat. Je ne dirais pas qu’il n’y a pas d’affect, mais il n’y a en tout cas pas d’affect humain. C’est très beau dans la façon de raconter la violence. »


 (c) Think Tank Théâtre
 
Karim a également pour ambition de monter plusieurs spectacles ensuite, sur la thématique des « nouveaux monstres », qu’il présente ainsi :

« c’est une observation engagée. Je me suis rendu compte que mon quartier d’Amiens Nord est l’un des dégâts collatéraux du libéralisme. On a fait venir des gens pour bosser dans nos usines ou reconstruire le pays : une fois le travail terminé, ils se sont retrouvés là et sont restés dans ces quartiers. On a sacrifié des êtres humains au nom d’une économie.

Dans le même état d’esprit, j’ai commencé à créer une pièce sur des camgirls [personnes faisant commerce de leur corps par internet, NDLR] en Roumanie, qui est une invention pure et dure du libéralisme à l’échelle mondiale.
En gros, des Américains dirigent des sites internet sur lesquels ils engagent des femmes pour des Occidentaux qui paient 4,99 euros pour voir une Roumaine se déshabiller. Avec l’autrice Caroline Bernard, nous avons réalisé vingt interviews de camgirls et montons un projet artistique, Eromania, sur le parcours de trois de ces filles. Cette idée des nouveaux monstres, c’est un moteur — je mets “monstres” entre guillemets, car ce sont des symptômes et non le problème lui-même. » 

Il vous reste la représentation de ce soir pour voir 23 rue Couperin ! Bon week-end à tous.
 
Clémence Hérout