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Posté le : 15 juin 2012 07:38 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Ali Baba ou les quarante voleurs | L'Histoire du soldat

On ferme : Castela à Toulouse, L’île lettrée à Paris 10e, Regards à Marseille, La Librairie universitaire place de la Sorbonne (Paris 5e)...

En trente ans, le nombre de librairies a baissé de moitié en France pour arriver au chiffre de 2500 (on parle de ceux dont la vente de livres est l’activité principale, les supermarchés proposant un rayon livre étant par exemple exclus de ce chiffre). Aujourd’hui, les librairies indépendantes représentent seulement 20% du chiffre d’affaire de la librairie en France, et  beaucoup sont menacées de fermeture.

On peut résumer rapidement les difficultés des librairies indépendantes ainsi :

 

1 - Le recul des ventes : si les livres continuent globalement à bien se vendre, les lecteurs se détournent des librairies indépendantes qui ont vu leur chiffre d’affaire reculer de 5,4% en sept ans.

Beaucoup préfèrent acheter leurs livres sur internet, portant les librairies en ligne comme Amazon ou Fnac.com, apparues il y a quelques années, à 11% du marché. Les grandes surfaces spécialisées comme La FNAC ou Virgin, qui proposent de nombreux biens culturels, représentent à elles seules 20% du marché du livre.

2 - On ne peut parler de chute massive de ventes de livres, mais il faut tout de même préciser que les Français lisent de moins en moins. Ainsi, en 2008, 30% des Français n’avaient lu aucun livre dans l’année (ils étaient 26% en 1997).

3  - Le faible niveau des marges : le bénéfice net des libraires indépendants n’est que de 1,5%. Sur un livre acheté 10 euros par un lecteur, environ 3,20 euros revient au libraire.
Mais une fois que celui-ci a payé ses charges (transport et achats des livres, rémunération des employés, loyer, impôts, publicité etc.), il ne lui reste que cinq centimes.


Bénéfice librairie


La marge brute (les 3,20 euros sur le livre de 10 euros) des librairies est en moyenne de 32%, alors que celle des vendeurs de vêtements est de 44%.


Marge libraire



4 - S’il est trop tôt pour pouvoir en juger, une large diffusion du livre numérique pourrait accélérer le recul des ventes. Actuellement, le livre numérique représente 25% du marché du livre aux États-Unis (mais il reste quasiment inexistant en France à l’heure actuelle)


5 - Les éditeurs proposent de plus en plus de livres (en trente-cinq ans, les nouveautés ont augmenté de 203%, selon le Syndicat National de l’Édition) : le libraire est contraint d’acheter trop de livres, augmentant ainsi ses charges (cf le chiffre de 66% dans le graphique ci-dessus), et consacre la majeure partie de son temps à de la manutention pour sortir les livres des cartons et les disposer en rayons.


6 - Corollaire du précédent, les diffuseurs (intermédiaires entre éditeurs et libraires) pratiquent parfois la vente forcée en expédiant des livres non commandés aux détaillants.


7 - Comme la plupart des commerçants indépendants dans les grandes villes, les libraires subissent les hausses des loyers qui les forcent à quitter les centre-villes pour laisser la place aux grandes enseignes (qui, elles, ont les moyens d’assumer ces montants exorbitants).
C’est le cas de la librairie Castela à Toulouse, mais aussi de L’Alinéa dans le 12e arrondissement de Paris, finalement sauvée par un mécène.

 

Créateurs d'une vie de quartier, instigateurs de rencontres entre auteurs et lecteurs, organisateurs de débats, prodigues en conseils de lectures, encourageant les nouveaux talents, proposant des livres en-dehors des best-sellers marketing (est-ce que quelqu’un peut m’expliquer le succès de Marc Levy ?), éléments du maillage culturel du territoire, lieux à part dotés d’une véritable identité, les librairies indépendantes installent l’humain au cœur du rapport marchand, sont essentielles autant dans le paysage culturel français que dans la vie de l’édition et ont un véritable rôle social et culturel.

 

Si j’évoque ce sujet, c’est parce qu’à partir de dimanche, la librairie L’Échappée littéraire  (station Odéon ou Luxembourg) viendra s’installer dans le hall de l’Athénée les soirs de représentations. Elle proposera des titres en lien avec L’Histoire du soldat, à tous les prix et sur tous les supports (livres, CD, DVD). Si l’expérience est concluante, elle reviendra la saison prochaine !

L'Histoire du soldat commence demain soir pour une petite semaine ! Bon week-end.


Sources : Syndicat de la librairie française, "Menace sur les libraires indépendants" de Christine Ferniot dans Télérama n°3225, "Libraires épuisés" de Vincent Chabault dans La Vie des idées du 17 janvier 2012.