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Entretien

Apéro Tribun

Posté le : 29 oct. 2008 08:42 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Artistes de la saison | Le Tribun/Finale

Mauricio Kagel, l'auteur et compositeur des deux pièces Le Tribun et Finale qui seront jouées à l'Athénée à partir de ce soir, est décédé le 18 septembre dernier : les cinq représentations qui arrivent prennent ainsi une forme d'hommage à cet artiste germano-argentin empreint d'humour et d'intelligence. Extraits d'une conversation téléphonique avec Bernard Bloch, acteur du spectacle :

"_ Salut Stephen, c'est sympa de me rappeler si rapidement!
_ (silence puis gros éclat de rire) Raté, c'est Bernard Bloch !"
(Ou comment briser sa crédibilité professionnelle en une phrase, au prochain numéro inconnu je dirai "allô" comme tout le monde)

"_ C'est la première fois que vous jouez Le Tribun/Finale ?

_ Il s'agit en fait d'une collaboration entre trois compagnies : l'ensemble musical 2e2m, la compagnie Ecuador de Jean Lacornerie et ma propre compagnie, le Réseau (théâtre). Nous en avons joué une maquette au festival des Arcs puis à La Friche la Belle de Mai à Marseille. Le plus frappant reste la résonance politique rencontrée par Le Tribun. Ecrit en référence à la dictature argentine, il a trouvé son écho dans la montée en puissance de Jean-Marie Le Pen aux Arcs, puis dans l'élection de Nicolas Sarkozy qui avait eu lieu une semaine avant les représentations à Marseille : aujourd'hui, cela évoque immanquablement la crise financière dont on nous disait péremptoirement depuis deux ans qu'elle ne nous concernait pas. Le Tribun est un délire poético-politique assez déjanté, une déconstruction des discours populistes de tous bords."

"_ Qu'est-ce que la musique apporte à cette parodie du discours politique?
_ Toute parole est musicale! D'ailleurs, lorsque j'ai refait la traduction du texte de Mauricio Kagel puisque l'existante ne nous satisfaisait pas, j'ai accordé beaucoup d'importance aux sonorités.
(Je l'entends expliquer au serveur du restaurant où, manifestement, il se trouve, qu'il veut sa viande à point, "enfin pas trop cuite quoi") Pour en revenir aux liens entre musique et politique, disons que les hommes et femmes politiques cherchent à toucher la même chose que la musique, c'est-à-dire autre chose que la raison, une partie de notre inconscient, là où les gens ne se rendent pas compte de ce qu'on essaie de leur fourrer dans la tête. Même si, évidemment, il y a du sens dans la musique, la musique touche l'émotion avant l'intelligence : exactement comme le discours démagogique, sauf que, en ce qui concerne la musique, les conséquences sont le plus souvent bénéfiques... Et puis la musique de Kagel amène de l'ironie et de la dérision et renforce la fascination."

"_ Avez-vous spécialement visionné des meetings politiques pour jouer ce texte?
_ Non, je connaissais déjà bien la chose… En fait, j'ai beaucoup milité moi-même, dans la politique et le syndicalisme.
_ Au vu du texte, je vous aurais plutôt vu comme un artiste refusant tout engagement politique, justement pour ne pas être lié à ce type de discours : un "artiste dégagé", pour citer Pierre Desproges…
_ Et non, encore une fois, c'est raté! J'ai connu tout cela de l'intérieur."

"_ Et Finale?

_ Je préfère ne pas trop en dire : l'oeuvre, musicalement bouleversante, se fonde sur le suspense. Sans texte, Finale répond au Tribun dans un esprit plus malicieux en posant la question de la réaction d'une foule face à un événement absolument inattendu... Dans les deux pièces, nous voyons deux chefs en action : le chef des mots dans Le Tribun et celui de la musique dans Finale."

J'ai ensuite laissé Bernard Bloch manger son steak bien mérité après des heures de répétition, pour mieux le retrouver ce soir lors de la première représentation... Bon mercredi à vous !