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Entretien

N'oubliez pas, c'est une histoire d'amour...

Posté le : 25 mars 2010 08:18 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Vénus

Gina Djemba est comédienne: c’est elle que vous avez beaucoup vue en photo sur le blog ces derniers temps et qui tient le rôle-titre de Vénus actuellement à l’Athénée.

Conversation à 16h dans le foyer des comédiens de l’Athénée, avant que Gina se prépare pour la représentation.


«_ Tu dînes déjà?
_ Oui, je ne peux pas manger juste avant une représentation, sinon je me sens trop lourde. J’ai besoin d’être vide pour prendre…

_ Jouer, c’est prendre?
_ C’est à la fois prendre et donner, que cela soit avec ses partenaires ou avec le public. Les relations avec les spectateurs ou les autres comédiens sont différentes chaque soir, et je suis particulièrement attentive aux réactions du public: un regard, un rire, cela n’a l’air de rien, mais c’est déjà énorme. C’est une forme de don.

_ Les réactions des spectateurs sont-elles différentes d’un soir à l’autre sur Vénus? Y a-t-il des choses qui t’étonnent?
_ Non, les réactions sont assez égales sur Vénus. Mais il m’est déjà arrivé sur d’autres pièces de sentir des salles glaciales… J’ai le sentiment que le public de Vénus est extrêmement impliqué. Il y a tout de même une chose qui m’a étonnée au début, c’est l’absence de rires sur les scènes de la pièce intérieure, Pour l’amour de la Vénus [passages d’un vaudeville écrit au 19e siècle sur la vénus hottentote et réintégrés dans la pièce par Suzan-Lori Parks. Extrait vidéo publié sur le blog le 17 mars]; ces scènes grotesques nous faisaient beaucoup rire en répétitions, et je me suis rendue compte lors des représentations que cela ne prêtait en fait pas nécessairement à rire: finalement, ne serait-ce pas être complice du drame vécu par la vénus hottentote que de s’esclaffer devant cela?
De même, il m’arrive d’entendre des rires nerveux lors de certaines scènes très dures: parce que parfois, devant la violence, on ne peut avoir aucune autre réaction que celle-ci… C’est par ce genre de signaux que je sens que le public de Vénus est impliqué dans ce qu’il voit -le texte étant assez complexe, l’écoute est de toutes façons nécessaire...
J’aime beaucoup la scène où je descend en salle pour raconter l’histoire du chocolat et en offrir quelques-uns aux spectateurs: je perçois à ce moment-là une écoute extrême de la part du public et me sens entièrement connectée à lui. Cette écoute attentive m’aide d’ailleurs beaucoup, car il s’agit d’un passage où je dois sortir du personnage de Vénus pour raconter l’histoire du chocolat: je m’appuie beaucoup sur les spectateurs pour me dégager de toute l’agitation de mon personnage.

_ C’est un rôle qui me semble difficile à endosser, parce qu’il porte la pièce, qu’il demande une certaine nudité et qu’il ne ressemble à aucun personnage “classique”. Tu n’as pas eu peur en découvrant la pièce?
_ Je ne connaissais pas l’histoire de Saartje Baartman, la véritable vénus hottentote, avant de lire la pièce. Je me suis sentie mise en confiance dès l’audition: d’habitude, un casting, c’est très expéditif. Là, Cristèle Alves Meira, la metteure en scène, a pris le temps de m’expliquer sa démarche, de me faire faire des improvisations… Elle m’a fait jouer différents stades de la vie de Vénus, a abordé mon rapport à la nudité, m’a fait travailler sur l’obscénité, le monstrueux… Elle a une véritable vision: avec elle, tout a un sens, et la nudité, lorsqu’elle apparaît, est nécessaire.

_ Quelles sont les difficultés propres au rôle de Vénus?

_ Tout d’abord, il faut lui donner une forme de naïveté, ou de simplicité: elle a des difficultés à parler et évolue par étapes. Il y a donc quelque chose de primitif, ou d’élémentaire, d’animal, chez elle, qu’il fallait jouer sans pour autant la rendre bête.
C’est d’ailleurs la deuxième difficulté: ne surtout pas en faire une femme stupide, car elle est loin de l’être. S’il existe une ambiguïté d’une femme qui se laisse exploiter, on sent tout de même qu’elle possède un fort caractère: elle a décidé de partir, quand même… Ce paradoxe entre la détermination et la soumission d’une femme contrainte et forcée qui se retrouve face à ce qu’elle n’aurait jamais imaginé est très intéressant à jouer.
Ce qui m’a beaucoup motivée, c’est sans doute le fait que Vénus soit tiré de l’histoire d’une femme qui a réellement existé: je me sens au service de Saartje Baartman, et c’est sans doute pour cela que j’ose beaucoup de choses sur scène. Je me suis aussi beaucoup documentée sur sa véritable histoire.

_ Dans l’interview qu’elle m’a accordée, Cristèle Alves Meira, la metteure en scène, me parlait de la prothèse des fesses en disant qu’il était indispensable que tu en sentes bien le poids. Es-tu d’accord avec cela?
_ Entièrement. D’ailleurs, la prothèse des fesses a mis beaucoup de temps à se construire, et j’ai eu l’impression de devenir Vénus au fur et à mesure qu’elle prenait forme… Ces fesses sont comme un masque : elles me donnent l’impression d’être habillée et sans elles, je n’aurais pas pu être Vénus.

_ Les différentes perruques que tu portes agissent-elles aussi comme une forme de masque?

_ Les coiffures apportent un port de tête, et elles montrent également l’évolution du personnage. La perruque à la Brigitte Bardot est le signe extérieur d’appartenance à une certaine bourgeoisie. À ce sujet, la scène où elle se maquille a été très difficile [extrait vidéo de la scène en répétition sur le blog le 8 mars], car je ne voulais pas singer les bourgeoises de cette époque: mais c’est une scène où c’est l’imaginaire de Vénus qui parle, c’est son échappatoire, sa respiration… Cela permettait de faire exister sa fantaisie et ses espoirs autant que sa désillusion. Dans cette scène, on voit en fait qu’elle a quitté sa prison pour une cage dorée où elle se conduit comme une enfant qui joue à la grande dame… La poudre que je mets fait aussi office de masque en transformant Vénus en une sorte de clown triste. Pour moi, c’est la scène la plus difficile à vivre, bien plus que celles où je me fais battre, car elle intervient après le premier avortement, après qu’elle se soit fait couper les cheveux… Ce moment où elle se fait couper les cheveux correspond à une perte d’identité, à une négation de sa féminité, à une déchéance: elle est entièrement devenue un objet d’études au point de se faire couper les cheveux pour qu’ils soient analysés. C’est le dernier stade, on ne peut plus aller plus loin…

_ Lorsqu’elle a rencontré Cristèle Alves Meira, Suzan-Lori Parks, l’auteure du texte, lui a dit: “n’oubliez pas que c’est une histoire d’amour”. Vénus, c’est une histoire d’amour, pour toi?
_ Oui, mais c’est l’histoire d’amour la pire qui soit! Vénus et le Baron-Docteur sont deux individus tous les deux perdus dans leur solitude qui se retrouvent parce que chacun espère devenir quelqu’un grâce à l’autre. C’est donc davantage une histoire sur l’idée d’amour qu’une histoire d’amour proprement dit…

_ Le lieu même de cette histoire d’amour, le lit, est d’ailleurs à l’image de ce que tu viens d’expliquer: de loin, il a l’air confortable, et puis quand on se met dedans, quelle horreur...
_ Oui, c’est un lit formé d’un matelas gonflable, de poufs avec des billes en polystyrène et d’oreillers en plume. C’est un lit où tu sombres comme dans un gouffre… Le lit devrait évoquer quelque chose de paisible, mais c’est en fait l’endroit où se déroulent les choses les pires: rien de ce que l’on fait d’habitude dans un lit ne s’y passe! Ils n’y font pas l’amour, et lorsqu’ils dorment, ils font des cauchemars… À la fin, le lit devient d’ailleurs le tombeau de Vénus…

_ Je crois que tu tournes également une série télévisée pendant la journée, ce n’est pas fatiguant de tout cumuler?
_ Si, mais le théâtre est à la base de tout. J’aime beaucoup tourner pour le cinéma et la télévision car c’est un autre exercice tout à fait intéressant et complémentaire. Mais au cinéma, c’est aussi le montage qui détermine ce que sera un film. Au théâtre, tu agis en fonction du public, de tes partenaires et des imprévus. Il y a une véritable marge personnelle. Je suis d’ailleurs assez désespérée de voir que pour beaucoup de gens, le travail du comédien consiste juste à apprendre un texte...»


Pour voir Gina Djemba et ses partenaires dans Vénus, vous avez jusqu’à samedi!

Samedi aura également lieu le troisième café-débat de la saison sur le thème "peut-on échapper à sa famille?". Pour écouter débattre Jean-Louis Ezine, Nicole Prieur et François de Singly, rdv à 17h à l'Athénée! L'entrée est libre.

Bon jeudi.

Pleins feux

Déconseillé aux moins de 18 ans

Posté le : 24 mars 2010 09:10 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Vénus

Je ne mets quasiment jamais de photos de spectacle proprement dites sur le blog: en journée je traîne plutôt du côté des coulisses, et en soirée je ne tiens pas à déranger les spectateurs avec les claquements de mon appareil photo pendant les représentations.

Mais pour Vénus, il se trouve que j’étais présente à l’Athénée le jour de la séance photo, c’est-à-dire au moment où avait lieu une représentation uniquement destinée à des photographes professionnels alignés dans la salle avec pieds d’appareil photo et téléobjectifs.

Voici donc les quelques “photos officielles” (mais sans pied ni téléobjectif) que j’ai prises de Vénus mis en scène par Cristèle Alves Meira. La faible luminosité de certaines correspondent à l’atmosphère visuelle de Laïs Foulc, créatrice des lumières du spectacle.

 

Gina Djemba

 

Julien Béramis et Gina Djemba

 

Céline Fuhrer, Mickaël Gaspar et Xavier Legrand

 

Gina Djemba

 

Cédric Appietto, Gina Djemba,
Xavier Legrand, Céline Fuhrer et Mickaël Gaspar

 

Gina Djemba

 

Gina Djemba

 

Gina Djemba

 

Mickaël Gaspar

 

Laurent Fernandez et Cédric Appietto

 

Gina Djemba

 

Mickaël Gaspar, Céline Fuhrer et Xavier Legrand

 

Xavier Legrand, Mickaël Gaspar, Céline Fuhrer et Gina Djemba

 

Laurent Fernandez et Gina Djemba

 

Gina Djemba

 

Gina Djemba

 

Gina Djemba

 

Cédric Appietto

 

Gina Djemba

 

Julien Béramis et Gina Djemba

 

Céline Fuhrer, Mickaël Gaspar, Xavier Legrand, Julien Béramis, Laurent Fernandez et Cédric Appietto

 

Mickaël Gaspar, Céline Fuhrer, Julien Béramis, Laurent Fernandez, Xavier Legrand et Cédric Appietto

 

Les heureux (ou pas) inscrits à Facebook pourront aller voir d'autres photos mises en ligne sur le profil de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet (vous pouvez en profitez pour devenir fan de la page du blog, j'ai besoin d'amis).

 

Ce soir à 19h, Cristèle Alves Meira, metteure en scène de Vénus, répondra à vos questions sur le tchat de l’Athénée: connectez-vous entre 19h et 20h sur le site de l’Athénée et posez vos questions pour une conversation écrite en direct!

Vénus continue jusqu'à samedi.

Perspective

La femme sans tête

Posté le : 23 mars 2010 09:09 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Vénus

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
La Chevelure in Les Fleurs du Mal (Charles Baudelaire)



De Jeanne Duval, on ne sait presque rien. Maîtresse de Charles Baudelaire durant une vingtaine d’années, son nom pouvait être aussi bien Jeanne Lemer ou Jeanne Prosper, comme elle a pu naître à Saint-Domingue, à Haïti ou en Afrique du Sud, en 1827, en 1823 ou en 1819.

Elle a inspiré nombre des écrits de Baudelaire, à commencer par quelques poèmes du chapitre “Spleen et Idéal” dans Les Fleurs du Mal que l’on a regroupés, bien que l’expression ne soit jamais apparue chez Baudelaire (mais plutôt dans une lettre de sa mère), sous le nom de “cycle de la Vénus noire”
Ces poèmes sont Parfum exotique, La Chevelure, Je t’adore à l’égal de la voûte nocturne, Sed non satiata, Le Serpent qui danse et Le Balcon, mais le biographe de Jeanne Duval, Emmanuel Richon, estime qu’il y en a bien davantage, et pas que dans Les Fleurs du Mal.



“Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Œuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,
   
Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane ;”
Sed non satiata in Les Fleurs du Mal (Charles Baudelaire)



Car Jeanne Duval était noire, et c’est ce qui semble l’avoir résumée aussi bien pour les contemporains de Baudelaire que pour la postérité : femme sans nom domiciliée au 6 rue de La-Femme-sans-tête (aujourd’hui rue Le Regrattier à Paris), elle est en tout cas restée femme de couleur.


À te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.
Le Serpent qui danse in Les Fleurs du Mal (Charles Baudelaire)


Les similitudes avec Saartje Baartman (ou la Vénus hottentote) qui a inspiré Vénus de Suzan-Lori Parks actuellement à l’Athénée sont bien présentes: c’est peut-être à elle aussi qu’Abdellatif Kéchiche a songé en intitulant son prochain film La Vénus noire.

En effet, le réalisateur de L’Esquive ou de La Graine et le Mulet prépare actuellement un film sur Saartje Baartman: à sa sortie, vous pourrez dire que vous connaissiez déjà l’histoire de la Vénus hottentote -ou, mieux, vous pourrez comparer le film et la pièce de théâtre.

Vénus de Suzan-Lori Parks mis en scène par Cristèle Alves Meira se joue à l’Athénée jusqu’à samedi !

Bon mardi.

Pleins feux

Passer en revue

Posté le : 22 mars 2010 09:00 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Vénus

Qui sont les acteurs de Vénus ? Galerie de portraits en jeu.

 

Cédric Appietto

 

Julien Béramis

 

Gina Djemba

 

Laurent Fernandez

 

 

Céline Fuhrer

 

Mickaël Gaspar

 

Xavier Legrand

 

 

Vénus de Suzan-Lori Parks mis en scène par Cristèle Alves Meira continue jusqu'à samedi! Bon début de semaine.

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