le blog de l'athénée

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Perspective

Vous avez dit journalisme ?

Posté le : 16 oct. 2008 08:53 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Rêve d'automne

Je faisais une erreur le 7 octobre en vous parlant de la place de Rêve d'automne dans les médias : certes, le spectacle a été beaucoup cité, mais plus à coups d'annonces et d'interviews que de véritables critiques de journalistes ayant vu la pièce -même si Rêve d'automne a été plutôt bien loti par rapport à d'autres. A ce jour, quelques critiques, donc : une dépêche AFP un peu fouillée, un article dans Le Figaroscope, une critique sur le blog amateur Théâtre du blog et un billet d'humeur sur le blog d'Armelle Héliot, journaliste au Figaro. Pour l'instant, rien, ou presque, du côté de la presse traditionnelle.

Alors quoi? Attachée de presse et chargés de communication de l'Athénée feraient-ils mal leur boulot? Non, et la question est plutôt très mal posée, car le problème vient d'ailleurs et serait plutôt à chercher du côté de la crise de la presse. Comme les intervenants  (dont votre serviteur) d'une table ronde organisée  mardi dernier par la revue Mouvement au Point Ephémère le disaient, la rubrique "Arts et Culture" s'est transformée en "sortir" ou "loisirs", beaucoup d'articles ressemblent étrangement à des dépêches AFP à peine retouchées, le journalisme d'investigation semble en voie de disparition, bref, tout semble en oeuvre pour confirmer les propos de Michaël Schudson lorsqu'il décrit la réalité de la presse en ces termes cruels : "les représentants d'une bureaucratie recueillent une information fabriquée par les représentants d'une autre bureaucratie" (il me semble que c'était dans l'ouvrage collectif Mass Media and Society, mais j'ai un doute).

Pour diverses raisons éthiques, politiques, sociologiques et économiques, beaucoup de journalistes, de leur plein gré ou non, se retrouvent donc souvent à recycler conférences de presse, dossiers de presse et autres communiqués de presse (pourquoi forcément "de presse", d'ailleurs?) et proposent ainsi peu d'analyse ou de mise en perspective. Beaucoup pointent la concurrence d'internet et ses sites ou blogs dits alternatifs en oubliant que non seulement la plupart des sites internet ne proposent pas forcément une information différente, mais en outre que ceux qui prétendent davantage à l'analyse sont justement nés d'une déception face au journalisme institutionnel.

Il y aurait encore beaucoup à dire, et le format du billet quotidien m'oblige à abréger sur un sujet aux ramifications complexes. Pour en revenir à la critique d'art, vous pouvez pallier les défaillances des journalistes culturels (ou plutôt l'absence des journalistes culturels, parce qu'on commence à les chercher) en écrivant vos propres critiques, comme l'ont fait certains blogueurs dont j'aurai l'occasion de reparler. Ecrire sur un spectacle que l'on a vu est un exercice intéressant pour soi, un peu difficile au début certes, mais assez salutaire en ces périodes où les arts et la culture confinent au produit de luxe qu'on aime ou non -et point barre, on ne va quand même pas développer sur un bête spectacle....

L'idée n'est pas de piétiner des journalistes déjà à terre dans une concurrence absurde et démagogique entre amateurs et professionnels ou élite et voix du peuple mais plutôt de vous poser en spectateurs actifs : ce blog et ses commentaires vont sont ouverts! Et si vous voulez pousser la réflexion, lisez le dossier sur la critique paru dans la revue Mouvement de ce trimestre en prenant soin toutefois d'oublier certains articles moins pertinents…

Pour ceux qui préfèrent discuter plutôt qu'écrire, je vous rappelle qu'aujourd'hui se tient une rencontre sur le thème "Mettre en scène la musique" avec David Jisse, Patrice Martinet, Thibault Perrine, François Bazola et Paul Desveaux. Rendez-vous à 18h30 à l'auditorium Colbert du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, 2 rue Vivienne dans le 2e arrondissement de Paris.

Bon jeudi!

Perspective

C’est grave

Posté le : 14 oct. 2008 08:01 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Rêve d'automne

Vendredi dernier, dans "L'argent n'a pas d'odeur", je vous parlais des possibilités offertes par l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet en terme de location de salle pour des événements privés : c'est dans ce cadre qu'hier soir, le pianiste Olivier Chauzu donnait un concert rassemblant des extraits d'Ibéria d'Albéniz, une sonate de Dukas et La grande Humoresque de Schumann. Dans l'après-midi, j'entendis marmonner sur la scène "Il a fait la guerre ou quoi ce piano? J'ai l'impression qu'il a connu un bombardement". Des coulisses, je n'ai pas pu voir qui parlait : lui-même, l'accordeur ou un technicien. Une chose est sûre en tout cas, les graviers de Rêve d'automne ont l'air de laisser assez de poussière blanche pour donner à un piano tout propre des airs de vestige des années 1940.

Car en fait, toute personne qui loue la salle de l'Athénée se retrouve confrontée au décor de la pièce en représentation à ce moment-là, et je dois dire que voir un piano à queue posé sur des graviers blancs dans un décor de cimetière renvoyait une image franchement troublante, même si les trois pierres tombales furent finalement retirées pour le concert : on veut bien mélanger théâtre et musique, mais laisser planer la mort sur l'exécution de La grande Humoresque de Robert Schumann rappelle peut-être trop les troubles dépressifs d'un compositeur qui, après avoir essayé d'écrire une oeuvre gaie, avouait que c'était peut-être ce qu'il avait "fait de plus déprimé".

C'était oublier les graviers et leur proximité homonymique (et peut-être étymologique) avec  le mot anglais "grave" qui signifie "tombe"… Le théâtre n'est pas près de vous lâcher (la mort non plus, d'ailleurs) : pour approfondir les liens entre théâtre et musique et vous préparer aux représentations de L'Opéra de quatre notes qui commenceront la semaine prochaine, rendez-vous ce jeudi 16 octobre à 18h30 sur le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France pour une rencontre autour de "mettre en scène la musique". Vous trouverez plus d'informations ici.

En attendant et pour ceux qui n'ont pas encore vu Rêve d'automne, voici quelques fameux graviers dans la main de Dominique Lemaire, l'un de nos deux directeurs techniques. La photo est de lui aussi.

Bon mardi.



Perspective

"Où est la charrue, où sont les boeufs?"

Posté le : 13 oct. 2008 08:22 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Rêve d'automne

Le 2 octobre dernier, à l'occasion du billet sur les bibles de l'Athénée (les programmes de salle, pour les distraits et non-souvenants), Adeline, graphiste pour le Théâtre, laissait un commentaire pour expliquer qu'elle ne pouvait pas lire ce qu'elle mettait en page : comme un texte que l'on relit en traquant les fautes pour se demander à la fin ce qu'il pouvait bien y avoir de marqué dedans.

Une discussion surprise il y a quelques jours entre le directeur de l'Athénée et son secrétaire général continuait le débat sans le vouloir. Il s'agissait justement d'un programme, de mots et de mise en page : la question était de savoir s'il fallait privilégier le texte ou le graphisme, la lisibilité ou l'esthétique. D'où cette phrase de Patrice Martinet, directeur de l'Athénée, que je reprenais en titre : faut-il servir le texte ou se servir du texte? Doit-on prendre le texte pour en faire une image ou toujours se soucier du contenu lui-même?

Cette interrogation d'un vendredi matin dépasse les seules bibles de l'Athénée et touche à la communication dans son ensemble : les lieux culturels qui offrent une programmation exigeante ne peuvent communiquer comme des supermarchés, sauf second degré éventuel. L'affiche est alors à l'image du produit qu'elle promeut et est censée représenter les qualités du spectacle concerné : beau et intelligent, quelque part (oui, venez me villipender pour me dire qu'un spectacle ce n'est pas que la beauté, et puis d'abord qu'est-ce que le beau, je vous le demande!).

On attend d'un théâtre qu'il soigne son image avec l'idée qu'on ne communique sur l'art qu'avec des oeuvres d'art. Mais c'est parfois au détriment du message à faire passer, d'autant qu'il est toujours difficile de connaître l'impact de la communication sur son public. Cela vous est-il déjà arrivé de trouver une affiche magnifique sans avoir la moindre idée du spectacle qu'elle vendait, ni même du théâtre d'où elle provenait?

Et pour les affiches de l'Athénée, où est-ce qu'on en est? Pour les écolos et pauvres habitant la capitale (les gens qui prennent le métro parisien, donc), vous avez sans doute vu les affiches qui vous clament "La police, c'est vous!", phrase tirée d'une pièce prochainement programmée à l'Athénée (je vous dirai bientôt laquelle). Cela interpelle sans doute, et c'est très beau sûrement, mais en termes de communication bête et méchante, est-ce que cela vous a donné envie d'acheter des billets ? Ces affiches dans le métro, de l'Athénée ou des autres, est-ce que vous les regardez, est-ce qu'elles vous donnent envie, est-ce que vous les tagguez à coups de "y en a marre de la pub" (ou, pour l'affiche actuelle, "nique la police") ?

Tout cela restera entre nous, je ne voudrais pas être poursuivie en justice pour incitation à la haine sociale.

Bon début de semaine à tous.

PS 1 : je suis navrée que certains d'entre vous aient reçu mon billet trois fois de suite entre 17h et 19h vendredi alors que moi je l'avais publié comme d'habitude à 8h (en plus ça a fait planter le serveur de l'Athénée, ils doivent tous me détester là-bas). J'espère que cela ne se reproduira plus…

PS 2 : ceux qui étaient au concert du Quatuor Psophos samedi en présence de Jörg Widmann expliquant son oeuvre ont dû apprécier les talents de traductrice de Lisa Schatzman, premier violon bilingue allemand-français. Quand même, j'étais déçue qu'on n'y parle pas de cassoulet.
Et pour (re)voir Rêve d'automne, c'est jusqu'à la fin de cette semaine!

 

Pleins feux

"J'avais envie de me mettre du rouge à lèvres jusqu'aux trous de nez"

Posté le : 07 oct. 2008 05:05 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Rêve d'automne

Je ne sais pas si vous vous tenez au courant, mais Rêve d'automne a eu une jolie place dans les médias ces derniers temps. De toutes les chroniques et critiques, ma préférence va à l'entretien entre Laure Adler et Judith Magre qui tient le rôle de la mère dans le spectacle.

Judith Magre raconte qu'il fallait littéralement la pousser pour qu'elle entre en scène à ses débuts, s'énerve lorsqu'on lui dit que les personnages de Rêve d'automne ressemblent à des fantômes et refuse de lire le texte à l'antenne -mais ne reprend pas Laure Adler lorsqu'elle prononce "Jon Fosse" à l'américaine alors qu'il est norvégien, enfin bref.

Le plus singulier reste le moment où Judith Magre raconte comment lui est venue sa vocation de comédienne : là où certains parlent d'un désir ancré dès les couches-culottes ou d'une révélation sidérante devant Le Cid par Jean Vilar (ou Le Tartuffe par Jacques Lassalle, c'est surtout une question de date de naissance), elle vous répond avec son anti-langue de bois habituelle : "je ne sais pas, j'avais envie de me mettre du rouge à lèvres jusqu'aux trous de nez".

Une incroyable carrière de grande actrice ne tiendrait donc qu'à un étrange désir de révolutionner les techniques du maquillage en occident, permettez-moi de ne pas trop y croire… Les mots de Judith Magre auront au moins eu le mérite de souligner la trouble origine de l'obscur désir que nous inspire le spectacle : pourquoi venez-vous au théâtre? Pourquoi, pour certains, en avez-vous fait votre métier?
Je ne sais moi-même pas répondre à cette question : aujourd'hui, vous écrire depuis l'Athénée me paraît bien évident. Il n'empêche qu'il n'y a pas si longtemps, j'étais encore en pleine campagne normande à regarder Rox et Rouky sans savoir qui avait écrit Hernani...

En tout cas, si Judith Magre n'a pas raté sa carrière d'actrice, elle est peut-être passée à côté de celle du marketing, et la revoir présenter Rêve d'automne en vidéo sur le site de l'Athénée me rappellerait presque les slogans à lessive de mon billet d'hier :  "Trêve de parlotte! Venez voir la pièce, elle est magnifique, je joue avec des partenaires magnifiques, et j'ai un metteur en scène génial".

Je vous souhaite un bon mardi en espérant qu'il soit meilleur que ce lundi.


PS : L'entretien a été diffusé le 4 octobre sur France Inter et est toujours disponible sur le site de Radio France (si tout marche, vous avez juste à cliquer ici)

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