Mais n'te promène donc pas toute nue!
Catégorie : La Cour du roi Pétaud
Costumière fidèle aux Brigands depuis la création de la compagnie, Elisabeth de Sauverzac a conçu les costumes de La Cour du Roi Pétaud avec force couleurs, poils, plumes et perruques improbables. Entretien téléphonique entre deux raccords :
"_ Comment avez-vous travaillé sur La Cour du Roi Pétaud?
_ On s'y prend quatre à cinq mois à l'avance. Pour ce spectacle, j'ai eu le feu vert sur les maquettes et les budgets début juillet et jusqu'à la première le 6 octobre à La Rochelle, je n'ai pas arrêté!
Je travaille avec le metteur en scène, Jean-Philippe Salério, qui est le maître d'œuvre de ce qui se passe sur le plateau et qui m'explique ce qu'il a envie de raconter avec l'œuvre. C'est à partir de ce dont il rêve que je rebondis. Pour La Cour du Roi Pétaud, il voyait cela comme une cour perdue au milieu de nulle part où il n'y a pas de peuple, seulement des courtisans qui luttent pour être les plus beaux, les plus importants.
À partir de là, j'ai inventé une mode non datable afin de ne pas faire apparaître une époque en particulier car cela n'intéressait pas Jean-Philippe Salério de placer l'opérette à une date précise. C'est donc une mode de cour créée à partir de bribes d'époques différentes, auxquelles j'ai ajouté la notion de basse-cour : ces courtisans sont des coqs et poules toujours en train de se pousser, et j'ai travaillé à partir de portraits de poules pour leur créer des silhouettes excentrées avec poitrine, cul et évidemment perruques.
_ Parce que c'est vous qui avez également créé les perruques?
_ Oui, bien sûr, parce que ce sont les coiffures qui terminent la silhouette! Alors j'ai passé une semaine avec une étudiante en Diplôme de Métier d'Art à coudre des cheveux, faire une mise en pli et vernir les perruques… On a fait tout cela dans un garage et très rapidement car le vernis utilisé est très toxique et sent vraiment très mauvais ! Mais heureusement les chanteurs ont accepté de les porter, ce qui n'était pas forcément gagné…
_ Le costume qui m'a le plus marqué est le premier de, euh… La princesse au nom de champignon, morille, girolle, je ne sais plus…
_ Girandole?
_ Voilà! Je pensais à la première fois où elle apparaît, la robe accrochée à un grand drap blanc fixé verticalement à une monture en bois…
_ En fait, cette opérette, c'est l'histoire de Girandole de sa naissance à sa découverte de l'amour. Avec Florence Évrard, la scénographe du spectacle, on a voulu travailler sur la continuité des matériaux qui l'accompagnent. C'est pourquoi, après le cocon blanc qui figure à la fois son berceau et l'accouchement, on a voulu réutiliser ce tissu.
Pendant les dix-sept années qui suivent la naissance de la princesse, les courtisans se sont barricadés (c'est pour cette raison que leur costumes sont recouverts de housse au deuxième acte) et ont enfermé Girandole pour qu'elle ne sache rien de l'amour. Quand elle apparaît, on la voit comme une poupée rangée dans sa boîte, une princesse bloquée dans son écrin par la traîne de sa robe. Elle s'émancipe ensuite en se détachant de cette boîte puis en ouvrant sa robe.
_ Et pour le Prince Léo joué par Emmanuelle Goizé, comment avez-vous travaillé sur ce personnage de travesti sans tomber dans le piège de la vulgarité?
_ Le Prince Léo est à la fois un fils à papa à qui tout est dû et en même temps un grand romantique, d'où son costume de Zorro avec cape et foulard noirs la première fois où il apparaît en rôdeur. Pour sa deuxième apparition, il est mis dans les didascalies qu'il survient en "habits de lumière", et je l'imaginais en or face au blanc de Girandole et à l'argent des courtisans. C'est en voyant Travolta que j'ai eu le déclic et que je lui ai conçu un costume doré dans l'esprit de La Fièvre du samedi soir !
_ Et pour le pantalon à poils de la troisième apparition?
_ Dans cette scène, Girandole ne voit personne, elle ne fait que toucher ses partenaires : d'où les plumes de Volteface et les poils pour le Prince Léo…
_ J'étais étonnée de voir que vous aviez également créé les costumes des spectacles précédents des Brigands : vous vous renouvelez considérablement à chaque fois!
_ Heureusement! Je n'ai pas envie de me balader tout le temps avec la même charrette sur le dos… Évidemment, j'ai des choses qui me suivent, comme l'utilisation des couleurs, mais c'est la pièce ou l'opérette qui guide mon travail : c'est à chaque fois une histoire différente qui permet, dans mon métier, de vivre plein de vies et de voyager dans plein de recoins…"
Pour votre information et contrairement à ce que je croyais, une girandole n'est pas une variété de champignon mais un faisceau de plusieurs jets d'eau, un chandelier, des boucles d'oreille ou une guirlande électrique (au choix). Pour découvrir la princesse du même nom, c'est jusqu'au 4 janvier.
Quant à moi, je fais une pause de quelques jours et vous retrouverai lundi prochain! La Cour du Roi Pétaud s'arrête également à partir de ce soir pour reprendre samedi. Bon Noël ou bon Hanoucca (désolée si j'en oublie) à tous...