le blog de l'athénée

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Perspective

Occupés à des choses qui ne servent à rien

Posté le : 04 mai 2018 06:00 | Posté par : Clémence Hérout
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L’Athénée accueillera bientôt le spectacle 23 rue Couperin, qui porte sur une cité d’Amiens nord en particulier et sur la banlieue en général.
C’est en prévision de ce spectacle qu’était organisée une rencontre sur l’architecture et la banlieue il y a trois semaines à l’Athénée. Y participaient Karim Bel Kacem, auteur et metteur en scène du spectacle, Patrick Bouchain, architecte et scénographe, Antoine Nochy, écologue et philosophe, et des spectateurs encore plus nombreux qu’espéré (quand je pense qu’on pensait faire la rencontre au foyer-bar…).
Filmée et diffusée en direct sur nos réseaux sociaux, la rencontre peut être regardée en différé ici.

Patrick Bouchain a entre autres commencé par rappeler que la banlieue n’était pas que le lieu d’habitation de l’immigration. Au départ, il s’agissait selon lui de construire pour offrir de meilleures conditions de logement. Les premiers banlieusards sont donc généralement les personnes ayant quitté le centre-ville pour aller en périphérie dans l’espoir d’obtenir de meilleures conditions de vie.
En 1954, il est décidé de créer un organisme central pour rattraper le retard en matière de logement, lié aux destructions intervenues pendant la Seconde Guerre mondiale ou l’absence de rénovation d’avant-guerre. On construit alors massivement en ne se posant la question que de la quantité, sans s’interroger sur l’application d’un même modèle d’architecture de Lille à Marseille.
Dans les années 1970, il devient évident que le modèle ne fonctionne pas comme attendu : et, toujours du point de vue de Patrick Bouchain, au lieu de faire rentrer ces quartiers dans le droit commun, on n’y a appliqué qu’une politique d’exception, par le biais notamment de création de dispositifs spécifiques.
Aujourd’hui, il est d’avis que la destruction des barres d’immeuble mise en œuvre par les pouvoirs publics détruit autant l’histoire et la culture des habitants que le bien commun, la construction ayant été financée par de l’argent public.

Sur la question de la destruction, Karim Bel Kacem a indiqué avoir changé d’opinion avec le temps. Lui aussi a commencé par se dire qu’il fallait mieux raser le quartier où il a grandi dans le nord d’Amiens, et qui fait l’objet du spectacle 23 rue Couperin. Mais où loger les personnes qui habitaient dans ces immeubles ? Elles risquent de se retrouver encore plus éloignées des centres-villes.

Antoine Nochy a aussi signalé qu’étymologiquement, la banlieue était le lieu du ban. Reprenant une remarque formulée par Patrick Bouchain qui avait insisté sur l’impossibilité de prendre possession de son logement (puisqu’il faut le rendre dans le même état à son départ), il a souligné l’impossibilité de se sentir chez soi lorsqu’on habite un logement social. Le chez-soi devient alors le lieu d’exclusion et de la fragilité, entraînant un phénomène de manipulation territoriale où l’on ne s’approprie jamais vraiment son lieu de vie. Revenant sur le fait qu’il était toujours question de la banlieue comme d’un lieu d’exclusion, il a affirmé que 70 % des Français vivaient en banlieue.

À une personne présente dans la salle qui se posait la question du bien-fondé des destructions en soulignant le caractère délétère de ces grandes barres, Patrick Bouchain a noté que la rue de Rivoli à Paris était elle aussi une barre architecturale. Selon lui, le sentiment de mal vivre n’était donc peut-être pas dû à l’architecture, mais à la façon dont la ville était gérée.
En insistant sur l’importance de s’approprier son lieu de vie, il a cité la possibilité de créer des fermes urbaines ou des fermes sur les toits des immeubles, ou de donner le budget nécessaire à la destruction d’un logement (environ 35 000 euros) à ses habitants pour le rénover plutôt que de le détruire.
Évoquant la question économique, trouvant ainsi un écho aux propos d’Antoine Nouchy qui estimait que les habitants des banlieues étaient utilisés de manière informelle dans l’économie, Patrick Bouchain est aussi revenu sur l’impossibilité de domicilier le siège social d’une entreprise dans un logement social.

Lorsqu’une autre personne de l’assistance a interrogé les trois intervenants sur leurs propositions de solution, Karim Bel Kacem a insisté sur la vie sociale dans ces quartiers. Donnant l’exemple d’un musicien du spectacle 23 rue Couperin, « qui vit à Berlin dans un grand bâtiment encore plus dégueulasse que le mien », mais qui, lorsqu’il descend de chez lui, a davantage à sa disposition qu’un kebab et une boulangerie, Karim Bel Kacem a invité à réfléchir à construire des endroits où créer du lien social -tout en reconnaissant la complexité du projet.

Lorsqu’il a été soulevé dans la salle que certaines banlieues pouvaient être plus bourgeoises que les centres-villes où la paupérisation existait également, le caractère central de l’architecture a été interrogé par Patrick Bouchain : le problème est-il l’architecture, ou plutôt l’impossibilité de se créer une identité dans une vie où l’on ne se reconnaît pas ?

Une personne ayant ensuite fait le parallèle entre la gestion résidentielle des banlieues et le processus de domestication, Antoine Nouchy a émis la crainte que l’animalité en nous s’éteigne, en remarquant : « mais qu’est-ce qu’on se fait chier dans cette société à être toujours occupés à des choses qui ne servent à rien… ».

Il fut ensuite rapidement question de l’héritage de la colonisation et des discriminations, mais aussi de la nécessité de laisser la parole aux habitants, avant de conclure sur la notion de culture légitime : si les banlieues sont souvent perçues comme des lieux où la culture est absente, c’est sans doute aussi parce que l’institution leur résiste.

Pour continuer la réflexion sur ces sujets, n’hésitez pas à aller voir 23 rue Couperin, un spectacle théâtral et musical qui se jouera à l’Athénée du 15 au 19 mai.
 
Clémence Hérout

Perspective

Le théâtre est politique

Posté le : 02 mai 2017 19:13 | Posté par : Clémence Hérout
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Demain commence La Trilogie des Éléments, composée de trois spectacles musicaux : Ismène, Phèdre et Ajax.

Les textes des trois spectacles sont de Yannis Ritsos, un poète grec décédé en 1990 et emprisonné à de nombreuses reprises pour opposition politique dans la Grèce de la dictature du régime du 4 août (1936-1941), de la guerre civile (1946-1949) puis de la dictature des colonels (1967-1974).

La musique d’Ismène, le spectacle qui commence demain soir à 19 h 30, a été composée par Georges Aperghis. Né en 1945 à Athènes, il vit à Paris depuis 1963.

Autodidacte, il se consacre au théâtre musical avec la création d’un atelier théâtre et musique (d’abord à Bagnolet puis à Nanterre) : sa première grande œuvre, La tragique Histoire du nécromancien Hiéronimo et de son miroir, a été créée au Festival d’Avignon en 1971 et entremêle étroitement musique, texte et mise en scène.

S’il compose à la fois du théâtre musical, des opéras, des pièces pour instruments seuls, des œuvres vocales et de la musique orchestrale, son œuvre se caractérise surtout par son ouverture à toutes les disciplines artistiques. Son travail provoque ainsi la rencontre de musiciens, chanteurs, danseurs, plasticiens, comédiens et même de robots.

Le langage est essentiel dans ses compositions, qui utilisent les mots à la fois comme un matériau et une structure, en laissant parfois leur signification de côté. Scénique par essence, son œuvre se crée parfois directement sur le plateau en répétition, comme ce fut le cas pour Sextuor en 1992 ou Commentaires en 1996.

« Au début, la majeure partie de mon travail consiste pour moi à éviter les clichés et les lieux communs », déclarait-il dans un entretien avec Nicolas Donin et Jean-François Trubert paru dans la revue Genesis. C’est ce que vous pourrez découvrir demain dans Ismène, conçu par Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli.

N’hésitez pas à lire également l’excellente notice que l’IRCAM a consacrée à Georges Aperghis et qui a fortement inspiré cet article.

Exceptionnellement, l’horaire de la représentation a été avancé à 19 h 30 au lieu de 20 h. Ceux et celles qui le souhaitent pourront rester après la représentation au bar du théâtre, où sera diffusé le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le bar restera bien sûr ouvert au cas où vous auriez besoin de noyer votre désespoir dans l’alcool.

À demain !
 
Clémence Hérout

Perspective

Je t'haime

Posté le : 24 janv. 2017 14:30 | Posté par : Clémence Hérout
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Jeudi commence Danse macabre, une pièce de l’écrivain August Strindberg sur un naufrage conjugal : à l’Athénée, ce couple qui se déchire sera interprété par un couple qui s’aime, Adriana Asti et Giorgio Ferrara.
 
Pour l’occasion, retour sur ces vrais couples qui ont joué des couples en crise à l’écran :

 
Dans Eyes Wide shut de Stanley Kubrick, Nicole Kidman et Tom Cruise se questionnent sur la fidélité et la confiance au sein du couple -ils divorceront peu de temps après, mais d’après eux, sans aucun lien avec le tournage du film.
 
Si vous ne voyez pas la vidéo, c'est ici : https://youtu.be/YEfyfcEdW4Y
 
 

Dans l’inclassable Le Bal des actrices à mi-chemin entre la comédie musicale, le faux documentaire et le drame comique, Maïwenn montre avec auto-dérision le couple qu’elle formait à l’époque avec Joey Starr
 

Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez là : https://youtu.be/u_Id_AHibv0
 
 

Notre univers impitoyable
de Léa Fazer évoque une problématique conjuguale rarement abordée au cinéma : deux membres du couple peuvent-ils travailler ensemble, et plus particulièrement lorsqu’ils entrent directement en concurrence ? Avec Alice Taglioni et Jocelyn Quivrin, brutalement décédé peu de temps après.

La vidéo est visible ici : https://youtu.be/fuqTeLMTGMU
 
 

Scarlett Johansson débarque au milieu d’un couple qui aime à manquer de littéralement s’entretuer : il s’agit de Pénélope Cruz et Javier Bardem dans Vicky Christina Barcelona de Woody Allen.
 
 

La vidéo est aussi disponible par là : https://youtu.be/JqkHFv6vyiI
 
 

Avec Ma Femme est une actrice, Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal racontaient avec humour la difficulté d’un homme à supporter le métier de sa femme. Le ton est moins léger dans Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, toujours réalisé par Yvan Attal, où ils jouent un couple face à l’infidélité, réelle ou fantasmée.
 
Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez cliquer ici : https://youtu.be/XJ7HfRJiAZs
 
 

Inégal et souvent sexiste, Les Infidèles, composé de saynètes réalisées par huit personnes différentes, offre un beau moment grave entre Jean Dujardin et Alexandra Lamy qui, dirigés par Emmanuelle Bercot, se posent LA question : est-ce que tu m’as trompé(e) ?
 

 

Husbands and Wives
, où le divorce d’un couple fragilise leurs amis, marque la dernière collaboration du couple formé par l’actrice Mia Farrow et l’acteur-réalisateur Woody Allen.

 
La vidéo peut aussi se regarder là : https://youtu.be/zh20PsGiFyk
 
 
Dans Mr and Mrs Bridge de James Ivory, Paul Newman et Joanne Woodward luttent pour se maintenir dans un monde qui change.


 

 
Pour voir La Danse macabre de Strindberg, rendez-vous à l’Athénée jeudi, vendredi, samedi ou dimanche!
 
 
Clémence Hérout
 

Perspective

Cendres

Posté le : 23 janv. 2017 11:45 | Posté par : Clémence Hérout
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Les lundis musicaux reprennent aujourd’hui ! Autour d’une voix, d’une flûte, d’un violoncelle et d’un piano, vous pourrez entendre ce soir des œuvres de Francis Poulenc, Maurice Ravel et Kaija Saariaho.

Née en Finlande en 1952, Kaija Saariaho vit aujourd’hui à Paris. Après des études en arts visuels, elle se tourne vers la composition et plus particulièrement l’informatique musicale.


© Priska Ketterer 
 
 
On pourrait craindre au premier abord que la composition assistée par ordinateur soit artificielle ou mécanique, mais avec Saariaho, c’est tout le contraire : son style très personnel et lumineux s’est nourri de l’informatique, qui lui a permis d’explorer le son dans toutes ses variations.

Sa musique témoigne souvent des liens entre l’homme, la machine et la nature. La terre est toujours présente d’une manière ou d’une autre dans ses compositions, et si certains titres évoquent directement le cristal, la fumée, le vent, la lumière ou le jardin, toute son œuvre semble traversée par les paysages finlandais.

Composée en 1998 pour flûte, violoncelle et piano, la pièce Cendres que vous entendrez ce soir cultive la tension entre les instruments qui se fondent tous les trois ou au contraire étirent leur singularité à l’extrême.

Le lundi musical Histoires naturelles est ce soir à 20h avec le baryton Stéphane Degout, le pianiste Cédric Tiberghien, le violoncelliste Alexis Descharmes et le flûtiste Matteo Cesari.

Bon lundi !
 
Clémence Hérout

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