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Entretien

En 2018, ratez mieux

Posté le : 03 janv. 2018 06:05 | Posté par : Clémence Hérout
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Cap au pire de Beckett se joue à l’Athénée dans une mise en scène de Jacques Osinski. Après la partie 1 et la partie 2, suite et fin de notre entretien avec Denis Lavant, qui interprète le texte.


« – Vous avez déclaré à plusieurs reprises que vous auriez pu être danseur, et on sait que le travail sur le corps est important pour vous. Comment avez-vous pu travailler l’immobilité pour ce spectacle ?

– À l’origine, j’ai plus une propension pour la danse, oui. J’aurais pu prendre cette direction-là. J’ai finalement choisi de comprendre le verbe. L’unique travail pour appréhender l’art dramatique est d’aller vers le verbe, de s’amuser, jongler avec les mots des autres. Même encore maintenant, le fait de bouger est mon repère. C’est là que je me retrouve, car cela me procure une pure jubilation non réfléchie. Mais l’immobilité, le silence m’intéressent aussi.

Quand Jacques Osinski m’a proposé ce texte, je l’ai scruté et appris avant le début des répétitions, ce que je fais rarement. C’était indispensable pour commencer à travailler vraiment. Je me demandais comment mettre en scène, mais honnêtement il n’y a pas trente-six solutions. Nous travaillons sur une posture monolithe où je ne suis plus qu’un être parlant immobile. Je suis très présent physiquement, mais dans la retenue, avec une inertie du corps où il n’y a plus que les mots de Beckett et mes yeux qui sont actifs. Dans le texte, il est aussi question de voir à l’intérieur de sa tête, les ombres, de décrire du vu jusqu’à ne plus être que la vue. C’est une drôle d’expérience, mais cette immobilité n’est pas forcée.

Nous avions commencé à travailler le texte en me mouvant dans l’espace, mais nous nous sommes vite rendu compte que tout geste serait illustratif. Et à partir de là, je me suis dit qu’il n’y avait pas à bouger, qu’il ne fallait pas céder à des parasitages, des impulsions ou une envie de se gratter… Il fallait atteindre la rigueur, un stade élémentaire, et accepter l’immobilité. Ce qui est compliqué, pour moi. Il s’agit d’être mobile à l’intérieur. C’est très physique, en fait. Il faut rester immobile tout en restant agité dans la tête…

C’est paniquant aussi, car souvent la mémoire d’un texte, surtout lorsqu’il s’agit d’un monologue, repose sur des postures, des axes du regard, de l’émotionnel… Là, il n’y a aucune facilité de repère ou de circulation de la mémoire. Il n’est pas question d’être un pur esprit, mais d’être absolument souple et à l’intérieur. Je ne pratiquerais pas cet exercice pour rien : faire de la méditation ou du yoga, j’en serais incapable. Mais soutenu par l’imaginaire, cet effort physique est possible. Je tiens, car je suis en pleine activité cérébrale, émotionnelle et imaginaire. Le texte avance sans arrêt. J’avance avec Beckett. C’est un voyage. Je l’appréhende aussi, quand je me dis que je vais faire le menhir pendant un mois et demi… Mais une fois que c’est parti et que je suis positionné, ça va. Et plus on avance, mieux ça va.

 

 
 
– “Essayer. Rater. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux.” : ces phrases de Cap au pire ont été utilisées pour une affiche de l’Athénée l’année dernière. Est-ce que ça pourrait s’appliquer à votre travail artistique ?

– Je n’y ai pas pensé avant. C’est une belle formule, mais elle réduit le texte. C’est faire un proverbe avec une partie du texte. Lorsqu’il m’a invité dans son émission, Frédéric Taddeï m’a dit que cette formule avait été adoptée par des sportifs de haut niveau, dont certains se la sont même fait tatouer sur le corps. Mais je ne me considère pas comme un sportif de haut niveau. Cela reviendrait à réduire Hamlet à “To Be or not to be”. La formule ne se suffit pas à elle-même, elle n’est pas close. Mais elle est séduisante, c’est vrai.

Il y a d’autres choses dans le texte qui me font mourir de rire, notamment quand il réduit radicalement le langage : “Dit est mal dit. Chaque fois que dit dit dit mal dit. Désormais dit seulement. Désormais plus tantôt dit et tantôt mal dit. Désormais dit seulement. Dit pour soit mal dit. Retour est encore. Tant mal que pis encore. Désormais retour seulement. Désormais plus tantôt retour et tantôt retour encore. Désormais retour seulement. Retour pour retour encore. Retour pour tant mal que pis encore. Retour dédire mieux plus mal plus pas concevable. Si plus obscur moins lumineux alors mieux plus mal plus obscur. Dédit donc mieux plus mal plus pas concevable. Pas moins que moins mieux plus mal peut être plus. Mieux plus mal quoi ? Le dire ? Le dit ? Même chose. Même rien. Même peu s’en faut rien.” C’est vraiment pour voir si les gens ont suivi… Jusqu’au bout chez Beckett, il y a de l’humour. La contradiction, la discussion intérieures sont également très souvent présentes chez lui.


– Est-ce que vous aimez être seul en scène, ou préférez-vous le théâtre en équipe ?

– J’aime bien les deux. Tout est bien et tout est lassant. Je n’aimerais pas faire que des spectacles tout seul. Mais c’est vrai qu’ils permettent une confrontation avec le public, où l’on est seul responsable de si cela se passe bien ou pas. C’est un drôle de truc.
Je pense à Philippe Caubère qui le pratique beaucoup, et avec ses propres mots en plus : c’est un drôle de voyage. C’est aussi passionnant de développer un dialogue solitaire avec un groupe d’inconnus chaque soir. J’ai aussi plaisir à travailler avec une équipe, à être confronté à d’autres individus et brasser des énergies même si cela pose problème de révéler sa propre misanthropie, de ne pas supporter les autres.


– En quoi trouvez-vous le cinéma plus factice que le théâtre ?

– Ce n’est pas forcément moins factice, mais le théâtre crée une sorte de densité, d’humain dans la représentation. Il y a un aspect qui est magique, merveilleux : une communauté de gens à un moment donné qui accepte de croire à une illusion produite par des comédiens en direct sur scène. Je trouve cette cérémonie incroyable, je trouve incroyable de se plonger volontairement, d’accepter, d’être dans l’illusion de personnages, de la même manière que les enfants, de ressentir des émotions qui relèvent de la vie, mais dans un contexte faux.
Le cinéma crée au contraire une confusion entre le comédien et le personnage : cette identification me paraît troublante. Le spectateur de cinéma subit la fiction, avec toujours le doute que ce qui est montré soit vrai. Le théâtre est peut-être plus bienveillant avec son public.

En tant que comédien, je trouve aussi le théâtre plus sain : il n’y a pas de confusion ; le comédien s’inscrit dans le présent de la représentation et, une fois qu’il sort de scène, est vu par les spectateurs comme un comédien qui vient de jouer un rôle et non comme le personnage lui-même. Au cinéma, l’acteur est aussi déresponsabilisé par rapport à la narration et à la continuité de son rôle, car il n’aborde chaque jour qu’une étape. C’est passionnant aussi, car cela plonge dans les méandres d’un personnage, mais cela pourrait mener à la folie. Le cinéma nous place aussi en apesanteur en tant qu’acteur, et nous déconnecte de la réalité. Le plateau de cinéma est un microcosme où le comédien est le centre du monde pris en charge par tous les corps de métiers pour être centralisé comme la merveille des merveilles le temps d’une prise. Au théâtre, on est artisan. On s’habille seul, on va soi-même au théâtre… On se prend en charge au niveau élémentaire de la vie. » 

Partez en voyage avec Denis Lavant en mettant le cap au pire jusqu’au 14 janvier dans la petite salle de l’Athénée. Philippe Caubère joue en même temps les deux volets de son Adieu Ferdinand dans la grande salle.

 
Clémence Hérout

Entretien

Denis Lavant - navigation impossible

Posté le : 19 déc. 2017 06:00 | Posté par : Clémence Hérout
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Denis Lavant interprète le texte Cap au pire de Beckett dans la petite salle de l’Athénée jusqu’à mi-janvier. Suite de notre entretien, dont la première partie est à lire ici.


« – C’est votre metteur en scène Jacques Osinski qui vous a orienté vers Cap au pire. Est-ce que vous vous souvenez de vos impressions en le lisant ?

– J’avais déjà essayé de le lire dans les années 1980, à sa parution. J’étais déjà dans Beckett et avais été alléché par ce titre évoquant une navigation impossible… Le titre est vraiment très beau. Et en fait, ça m’était tombé des mains à l’époque, comme Mal vu mal dit. Je n’étais pas prêt. J’aimais déjà beaucoup En attendant Godot, Fin de partie (qui est l’une des pièces que je préfère), mais aussi les Nouvelles et textes pour rien ou Premier Amour, car c’est romancé et avec un peu d’esbroufe… On y trouve beaucoup d’éléments qui sont les reliefs d’une littérature classique : il n’avait pas encore entamé le processus d’élaguer le langage.

Quand Jacques Osinski m’en a parlé vingt ans après, peut-être que c’était le moment pour moi. J’aime bien quand les choses font écho, avec cette trace de contact furtif qui rebondit pour que le texte revienne finalement dans mon champ de vision… Je m’y suis attelé, en lien avec d’autres textes de Beckett, notamment L’Image, et de Mallarmé. Dans le théâtre, on est amené à scruter beaucoup de textes. Et depuis ce jour, je n’ai plus lâché le bouquin. Un an avant de répéter le spectacle, c’est devenu une idée fixe. J’étais comme ivre, j’étais avec le texte dans des cafés en étant vigilant à ne rien laisser de côté, ou dans le flou.
J’y suis allé vraiment très minutieusement, en avançant opiniâtrement dans le texte : dès que quelque chose bloquait, je revenais en arrière. Il met en œuvre un emploi du langage à un niveau très économisé, simple, élémentaire, et qui va en s’amenuisant au fur et à mesure. J’essaie de suivre une trajectoire cohérente, d’être dans le concret. En fait, il n’y a aucune abstraction : le locuteur se met à parler et dit “Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’à plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore”. Encore recommencer à parler, en fait. Et il déploie un peu d’humanité, même si ce texte, ce sont des ombres dans la pénombre obscure… C’est comme une expérimentation scientifique. Y figure une logique particulière, mais assez rigoureuse, avec parfois des surprises, des remises en question de tout.

À mi-chemin du texte, Beckett écrit “De qui les mots ? Demander en vain. Ou pas en vain si dire pas su. Pas dit. Nuls mots pour lui dont les mots. Lui ? Un. Nuls mots pour un dont les mots. Un ? Ça. Nuls mots pour ça dans les mots. Mieux plus mal ainsi”. Ce ne sont que des phrases très brèves qui se terminent avec des points. Cela se passe dans une sorte de présent avec un plan de navigation exposé dès le début : “Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’à plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore”. Et, après soixante pages, le dernier moment est : “Soit dit plus mèche encore”.




 (c) Pierre Grosbois
 
 
– Dans Le Monde du 22 novembre 1991 l’écrivain et critique Patrick Kéchichian qualifiait Cap au pire d’“extraordinaire mise en mots […] de l’exténuation”. Est-ce que cela vous paraît bien définir le texte ?

– “Exténuation” n’est pas mot qui me parle particulièrement. C’est une expérience primordiale, presque nécessaire, qui n’est pas morbide, et qui est cohérente dans sa démarche poétique. La plupart des poètes se conçoivent disparus, anéantis : il savent qu’ils se trouvent dans un passage, comme une trajectoire à un moment donné, à une époque. Ils font partie des êtres les plus conscients de cela. La poésie m’a attiré aussi, car cela parle de ce sujet également, sans que cela soit macabre pour autant, même s’il y a bien sûr une danse macabre chez ViIlon, Rimbaud, ou Mallarmé…

Je vois un rapport à la verticalité humaine dans ce texte. Le personnage se remet debout : il est question d’un gisant au départ. Samuel Beckett remet debout ses personnages et va jusqu’à la vision du cimetière. Cap au pire, c’est une expédition vers la nuit. Le mot d’“exténuation” ne me parle qu’à moitié. Dans Mirlitonnades, Becket écrit “En face/le pire/jusqu’à ce/qu’il fasse rire”. Tout est là. Je trouve cela extrêmement courageux et en même temps élémentaire.
Il traite un sujet qu’on oublie dans notre société : le rapport à la mort. Alors que la mort est présente, et souvent violente par les temps qui courent, c’est une chose que l’on refuse de voir, d’envisager pour soi-même. La mort fait partie de la condition humaine, c’est l’une des données de la folie humaine. On n’a qu’une envie : se masquer, l’oublier par tous les divertissements possibles comme la fête, l’alcool, ou le cinéma, tout ce qui est à portée de main pour ne pas être en face de la mort. Beckett, lui, mène une démarche qui va vers l’assèchement. C’est une démarche implacable, inscrite dans une autocruauté qui fait la richesse de certains poètes : ils ne se font pas de cadeau. Beckett continue jusqu’à dégager des valeurs extrêmes. Il est aussi question d’un harcèlement de mots : il y a encore trop de mots, c’est trop chargé de sens, veut trop signifier. Le seul moyen d’en guérir, c’est de disparaître. Mais il n’est pas question de suicide.


– Justement, n’est-il pas paradoxal de donner à entendre un texte qui tend autant vers le silence ?

– C’est paradoxal oui, mais pas abscons. Je ne suis pas vraiment à l’origine du projet : Jacques Osinski me l’a proposé et j’y suis allé volontiers. Pour moi, c’est vraiment intéressant. Mais je ne sais pas ce que cela fait en tant que spectateur. Au Festival d’Avignon, il y avait de tout. Des gens que cela tourmente, d’autres qui ne rentrent pas du tout dedans et qui sortent furieux — mais finalement ce n’est pas plus mal, car cela crée la complicité avec ceux qui restent. Le spectacle a sans doute quelque chose d’hypnotique.

Ce que je souhaite, c’est de pouvoir apporter pour l’auditeur quelque chose qui soit à peu près aussi limpide que ma manière de comprendre, de suivre le texte. Il y a forcément une déperdition, mais je crois que quelque chose se passe dans la mesure où je comprends ce que je dis : je peux donc emmener le public. Le spectacle est à contre-courant d’une attitude culturelle tendant au divertissement et qui, par peur d’ennuyer, opte pour l’attractif avec l’image et la vidéo qui fascinent tout de suite. J’ai fait du cinéma, mais je ne mélange pas : je suis plus pour quelque chose d’archaïque du théâtre, qui repose sur le corps du comédien, le texte, l’incarnation et la parole qui sert l’intelligence d’un comédien avec un texte, le rendant ainsi visible pour les spectateurs. »

Mettez le Cap au pire avec Denis Lavant, dans la petite salle de l’Athénée jusqu’au 14 janvier. En même temps dans la grande salle, Philippe Caubère interprète son Adieu Ferdinand.

 
Clémence Hérout

Entretien

Denis Lavant, le paysage riant

Posté le : 08 déc. 2017 18:05 | Posté par : Clémence Hérout
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Dans la petite salle de l’Athénée, Denis Lavant interprète Cap au pire, l’un des derniers textes de Samuel Beckett.
Crépusculaire et radical, le spectacle est une expérience qui clivera sûrement : Denis, lui, avec sa chapka, sa politesse chaleureuse et son goût pour le jus de gingembre auquel toute l’équipe du théâtre s’est convertie (ça pique), emporte l’adhésion.

Je l’ai interviewé la semaine dernière dans sa loge, deux jours avant la première.
Le jour de la première elle-même, j'étais en direct avec son metteur en scène Jacques Osinski pour un entretien vidéo de cinq minutes que vous pouvez regarder en différé ici.

Notre entretien paraîtra en plusieurs fois sur le blog tout au long des représentations du spectacle, qui se joue jusqu’au 15 janvier 2018 à l’Athénée.


« – Votre metteur en scène Jacques Osinski a déclaré dans une autre interview que Samuel Beckett vous faisait rire : ce n’est pourtant généralement pas la première chose qui vient à l’esprit quand on pense à lui. Qu’est-ce que vous trouvez drôle, chez lui ?

– J’adore l’humour de Beckett : c’est l’humour face au néant, qui porte sur le rapport dérisoire de la stature humaine sur la terre. Chez tous les grands poètes, penseurs, métaphysiciens, il y a un éclat de rire terrible.
Je connais l’œuvre de Samuel Beckett depuis longtemps. C’est la première fois que je le joue officiellement, mais je suis tombé dedans quand j’étais petit. Son Molloy est le premier acte beckettien que j’ai fait : j’en avais produit un extrait en deuxième année au Conservatoire. C’est d’ailleurs la seule chose cohérente que j’aie faite là-bas !.…
Déjà à l’époque, ma sœur qui était en études de lettres avait abordé L’Innommable, qui est dans la même veine que Cap au pire : quand maintenant, où maintenant, qui maintenant ? Je trouvais ça génial comme remise en question du langage même, de la parole. Les personnages de Beckett sont dans une inertie et en même temps gambergent. Ils sont dans la conscience de soi, sans distance : ils sont absolument incarnés. C’est un texte à la fois abstrait, très concret, incarné, jusqu’au moment où il écrit : “néant jamais ne se peut être”. Il y a chez lui un vrai condensé du propos, de la trajectoire.

On met souvent Samuel Beckett dans la catégorie du théâtre de l’absurde : je suis contre cette définition facile où l’on sous-entend que les personnages y déblatèrent n’importe quoi. Au contraire, chez Beckett, c’est très conséquent. Il fait entendre une parole qui a une valeur scientifique, qui refuse les limites du définir, du comment et où s’exprimer, de quoi parler, toutes ces questions…. À la création d’En attendant Godot, un critique avait écrit que cela ressemblait aux Pensées de Pascal jouées par les Fratellini. C’est vrai que l’humour y est très décapant.

Cap au pire est un texte qu’il a écrit en anglais et qu’il n’a pas traduit lui-même en français, contrairement à d’autres : c'est la traductrice Édith Fournier qui l'a fait. Je crois qu’il n’a pas eu le courage de le traduire car c’était trop dur.… Cela ne va pas de soi : ce texte représente vraiment une expérience limite. Dans certains de ses autres textes, on sent un emploi de la langue française absolument jubilatoire et qui a à voir avec l’incarnation du théâtre. Dans En attendant Godot, on parle de “paysage riant” pour désigner le public… J’aime vraiment bien cet être, ce Beckett. Je me suis rendu compte qu’on était en compagnie tous les deux depuis un moment, même si je l’avais rejeté, car parfois je n’ai pas envie de me placer dans ce constat d’impasse, qui est extrême dans la littérature



Photo : Pierre Grosbois
 
 
– Vous aviez d’abord pensé à jouer L’Image de Beckett, pourquoi ?

– On arrive parfois à une saturation de Beckett et de l’imagerie qui en est faite, avec cette superposition de couches d’interprétation. Cela devient “beckettien”, et le Beckettien m’emmerde.
On m’a proposé d’interpréter L’Image à la radio. Je n’avais pas plongé dans Beckett depuis longtemps. J’aborde le texte en me disant que c’est du Beckett, je me dis d’abord que c’est absurde, mais au final je vois ce que ça raconte, que cela évoque quelque chose de concret, et non une entité verbale abstraite. Il n’y a rien de tel que de s’introduire physiquement dans un texte, de se mettre à la place du locuteur pour le comprendre.
Je fais le lien entre Mallarmé et Beckett, d’ailleurs j’ai les deux dans les poches [il me sort de son manteau un ouvrage de chacun]. Les derniers textes de Mallarmé, comme Pour un tombeau d’Anatole ou Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard, s’inscrivent dans une économie de langage. Même Le Cantique de Saint Jean.
Je devais donc interpréter L’Image pour la radio. Je me rends compte que cela décrit une scène : une langue sort de la bouche, il est décrit un type allongé par terre dans la boue, dans une flaque d’eau, et qui ne bouge pas, qui prend la boue dans la bouche, la mâche, décrit sa main, ses jambes… et qui à un moment donné se voit lui-même dans le reflet de la flaque et le décrit. Dès que j’ai compris ça, j’ai trouvé le texte épatant. C’était un beau travail pour moi. De la même manière, je m’étais plongé à une époque dans Mallarmé avec l’exigence de tout comprendre, de ne rien laisser en surface. On dit que c’est une grande poésie hermétique. Mais moi en tant qu’interprète, j’ai le devoir de comprendre pour donner des bases de compréhension à l’auditeur. »


Pour faire le « paysage riant » (ou pas) avec Cap au pire mis en scène par Jacques Osinski, c’est dans la petite salle de l’Athénée jusqu’au 14 janvier 2018, en même temps qu’Adieu Ferdinand de Philippe Caubère dans la grande salle.

Bon week-end !
 

Clémence Hérout

Entretien

Sur le balcon avec Le Balcon

Posté le : 02 juin 2017 19:50 | Posté par : Clémence Hérout
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Ce soir et demain à 20 h, c’est le dernier spectacle de la saison ! Le Balcon interprète Dracula de Pierre Henry et Déserts d’Edgard Varèse.

À 19 h, on fumait une cigarette sur le balcon avec le chef d’orchestre du Balcon donc, Maxime Pascal (euh, non Papa, je te jure, y a que Maxime qui fumait !).

On a parlé de Pierre Henry, qui n’a peut-être pas la reconnaissance qu’il mérite, mais aussi du besoin de hurler des insultes à un concert qui nous déplaît, ou encore du lieu préféré de Maxime à l’Athénée (spoiler : ce n’est pas le local de l’imprimante).

Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez aller la voir sur YouTube : https://youtu.be/KEkLebaj9-k
 
 
 
Bon concert à tous ce soir ou demain et, en prévision de la saison prochaine : ABONNEZ-VOUS !!!
 
Bon week-end
 
Clémence Hérout

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