le blog de l'athénée

Retrouver les billets du blog postés de 2008 à 2018

Ils ont blogué pour l’athénée pendant 10 ans
D'hier à aujourd'hui

Dans le bureau du directeur (1) Patrice, Pierre et les autres

Posté le : 19 sept. 2017 06:00 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie :

Patrice Martinet est le directeur de l’Athénée. Il porte une barbe, des lunettes rondes en écaille et des costumes en tweed ou pied-de-coq du plus bel effet tout en officiant dans un bureau qui constituerait un parfait décor à une adaptation filmée de Blake et Mortimer. Il ne fume pas la pipe — ce que, d’un point de vue strictement vestimentaire, je regrette.


 
André Juillard d'après E.P. Jacobs
 
 
Patrice a toujours beaucoup d’histoires à raconter : cette nouvelle rubrique « Dans le bureau du directeur » vous permettra d’en profiter aussi.


Pierre Bergé a lui aussi été directeur de l’Athénée, de 1977 à 1981. La première fois que Patrice Martinet et lui se rencontrent, c’est dix ans après, le 18 juillet 1991.
Patrice est alors directeur du festival Paris Quartier d’Été et Pierre Bergé président de l’Opéra de Paris, où un spectacle mis en scène par Giorgio Strehler a été programmé par Patrice dans le cadre du festival. Enthousiasmé par la pièce, un Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, Pierre Bergé embrasse et félicite le responsable de sa programmation après la première.



Pierre Bergé en 2012 (c) Matthieu Riegler
 
 
Deux ans plus tard, Patrice Martinet est nommé à l’Athénée. Son premier réflexe consiste à aller présenter ses respects à Pierre Bergé, qui fut directeur de l’Athénée avant de le confier au Ministère de la Culture en 1982, faisant alors de l’Athénée un théâtre public.
Pierre Bergé le reçoit poliment, mais il est fâché : fâché, car il espérait que l’État prendrait l’Athénée en charge à la hauteur de ses besoins financiers.

Pierre Bergé avait racheté l’Athénée en 1977 : il adore ce théâtre depuis longtemps, mais c’est une représentation d’Equus à l’espace Pierre Cardin qui le conduit à son achat. Catastrophé en effet que l’exploitation d’Equus cesse, il acquiert tout simplement l’Athénée pour programmer ce spectacle qui l’a ébloui.
Avec Danièle Cattand qui codirige le théâtre, il propose ensuite une programmation exigeante rassemblant des artistes comme Claude Régy, Antoine Vitez, Delphine Seyrig, Jean Marais ou Alfredo Arias et crée les lundis musicaux.

 

 Salle Christian Bérard à l'Athénée (c) Dominique Lemaire
 
 
Il ouvre la deuxième salle sous les combles, qu’il baptise du nom du décorateur de Louis Jouvet, Christian Bérard. Il rénove également certains espaces (dont l’actuel bureau de Patrice Martinet, qui est dans l’état où Pierre Bergé l’a laissé) et crée le bar de la mezzanine.
Il fait aussi construire les toilettes en galerie, qui est un bon plan pour tous ceux qui n’aiment pas faire la queue et ne rechignent pas à monter des escaliers – vous en profiterez pour en admirer la porte, qui a apparemment coûté un bras, mais qui est bien mieux que la porte plane initialement installée que Pierre Bergé trouvait très moche.
La légende, enfin Patrice Martinet (mais vous verrez, c’est pareil) raconte que ces toilettes ont été créées après que Pierre Bergé, qui avait assuré à un spectateur que des toilettes se trouvaient à tous les étages, s’était rendu compte que la galerie en était dépourvue.


Au même moment, Pierre Bergé avait aussi acheté le bail du théâtre Édouard VII, à deux pas de l’Athénée. En 1981, alors que le bail touche à sa fin, il permet que s’y produise… Philippe Caubère.

C’est en effet Véronique Coquet, collaboratrice de Philippe et aujourd’hui devenue sa femme, qui avait contacté Danièle Cattand, à savoir la seule personne qu’elle connaissait dans le milieu théâtral à Paris, parce qu’elle et Philippe Caubère cherchaient un théâtre où jouer La Danse du diable.
Véronique Coquet ignore complètement à l’époque qui est Pierre Bergé mais, via Danièle Cattand, il leur donne littéralement les clés du théâtre Édouard VII pour un franc symbolique, avec pour seules conditions de réembaucher son personnel et de ne pas abîmer les portes d’entrée et les appliques en bronze. C’est ainsi que Philippe Caubère et Véronique Coquet se retrouvent quatre mois à la tête du théâtre Édouard VII, où triomphe La Danse du diable – Véronique se rappelle que la queue allait parfois jusqu’à L’Olympia.
 

 
 
Ils n’avaient jamais rencontré Pierre Bergé, jusqu’à l’automne dernier. C’est Philippe Caubère qui le raconte :
« Véronique et moi dînions à la brasserie Lipp, qui n’est vraiment pas le genre d’endroit où nous allons d’habitude. Et là, nous voyons arriver Pierre Bergé qui s’installe juste à côté de nous – sachant que chez Lipp, on est collés comme dans le métro. Je me souviens qu’il avait commandé et mangé un haddock ! Le truc le plus nul qu’on puisse trouver sur une carte. Mais je me suis dit qu’en fait, il devait adorer ça, mais n’en trouver nulle part ailleurs. Il n’y a que chez Lipp qu’on propose encore de tels plats !
Après avoir longuement hésité, j’ai fini par oser l’aborder : “je suis désolé de vous déranger, mais il faut que je vous parle. Je vous dois, à vous et à Danièle Cattand, la présence à Paris de mon premier spectacle. C’est merveilleux que l’occasion me soit offerte de pouvoir vous en remercier, car je n’avais jamais pu le faire auparavant et j’en gardais le remords.”
Nous avons ensuite parlé de Maryse Landolfo, que je connais depuis quelques années et qui était l’égérie du peintre Pierre Ambrogiani, très proche de Pierre Bergé, alors en couple avec Bernard Buffet. Là, son œil s’est allumé, il nous a demandé de ses nouvelles et nous a parlé d’elle et de leur jeunesse commune.
Je lui ai aussi raconté qu’après l’Édouard VII, je rêvais de jouer à l’Athénée, que j’avais découvert par les spectacles d’Antoine Vitez, mais qu’à l’époque et pendant de longues années, ça n’avait pas été possible. En fait jusqu’à ce que je rencontre Patrice Martinet. Et que, grâce à cela et par bonheur, ça l’était devenu aujourd’hui. Je voyais bien que je le dérangeais un peu, mais je m’en fichais. Je voulais vraiment le remercier pour ce vrai geste de grand seigneur qu’il avait eu au sujet de l’Édouard VII. Geste dont les conséquences ont été si importantes pour nous. Quand j’ai appris sa mort, en même temps qu’un vrai sentiment de tristesse, j’ai ressenti le soulagement d’avoir pu le saluer et l’en remercier de vive voix et de son vivant ».

 

 Façade de l'Athénée (c) Mirco Magliocca
 
 
Sans doute parce que Pierre Bergé ne pouvait diriger la maison de couture Yves Saint-Laurent et deux théâtres en même temps, il décide de s’en retirer après quatre ans de programmation, au début des années 1980. Il aurait pu céder l’Athénée à un directeur privé, mais cela aurait sans doute condamné ce théâtre qu’il aimait profondément à une carrière artistique moins ambitieuse qu’il le souhaitait – l’ayant dirigé, il s’était bien rendu compte que le théâtre d’art était rarement rentable. Convaincu que seul l’État pourrait y maintenir une réelle ambition artistique, il confie l’Athénée à la tutelle du ministère de la Culture en 1982.

Une fois le théâtre de l’Athénée cédé, Pierre Bergé a continué d’y venir régulièrement, en toute discrétion, mais toujours à la même place. La dernière fois, c’était il y a un peu plus d’un an, pour les travaux : Patrice Martinet souhaitait son avis sur la décoration des stucs au foyer-bar. L’état de santé de Pierre Bergé ne lui permettait plus de monter à l’étage, mais il se souvenait parfaitement des décors et a pu soutenir l’équipe dans son choix de les repeindre en couleurs, mais avait prévenu : « il faut un peintre italien ». Et il a eu raison : après quelques essais ratés, on a fini par faire appel à un peintre italien.

 

 (c) Mirco Magliocca
 
 
S’il refuse de se substituer à ce qui relève selon lui du rôle des pouvoirs publics, à savoir financer les frais de fonctionnement de l’Athénée, Pierre Bergé soutint généreusement de nombreux spectacles programmés par Patrice Martinet ainsi que des employés du théâtre, en suivant ses goûts et ses amitiés.

Par exemple, au moment du cinquantenaire de la mort de Louis Jouvet en 2001, Patrice Martinet propose à des metteurs en scène de revisiter des pièces méconnues du répertoire de Louis Jouvet. Pierre Bergé, qui avait vu L’École des femmes de Molière mis en scène par Louis Jouvet à l’Athénée lorsqu’il était enfant, propose de financer sa reprise dans le décor originel de Christian Bérard.

Le jour de la première, Pierre Bergé est assis comme d’habitude au premier rang de la corbeille, et Patrice Martinet dans la loge située quelques mètres derrière lui. Tout se passe bien, jusqu’à ce que Pierre Bergé s’agite en criant « les lustres bon sang, les lustres !!! ».
Une fois le spectacle terminé, Patrice Martinet s’enquiert des impressions de Pierre Bergé :
« – Patrice, les lustres, quel scandale !
– Quoi, les lustres ?
– Mais enfin, vous savez bien ! »

Eh bien non, personne n’a jamais su en quoi les lustres pouvaient différer de la version de Louis Jouvet et Christian Bérard, dont le décor avait pourtant scrupuleusement été reproduit d’après les documents de l’époque. Et, « parce que les lustres », ou plutôt, sans doute, parce que son souvenir d’enfance avait été gâché, Pierre Bergé n’apporta pas le soutien financier prévu.

 

 Photo prise sur le spectacle L'Île de Tulipatan des Brigands (c) Clémence Hérout
 

Pour Patrice Martinet, cette histoire raconte bien qui était Pierre Bergé : « ce n’était pas un mécène comme les autres, mais un artiste. Et il fallait le traiter comme l’artiste qu’il était. L’Athénée était un autre amour de sa vie ».

Lola Gruber, qui écrit les programmes et brochures du Théâtre, lui a d’ailleurs rendu hommage ainsi le jour de son décès le 8 septembre : « S’agissant des histoires amoureuses, les Français ont des aventures, les Anglo-Saxons des “affairs”. Réfutant cette opposition, Pierre Bergé a eu le talent rare de transformer ses affaires en aventures et ses aventures en affaires. »

Nous espérons donc vous retrouver très bientôt à l’Athénée pour de nouvelles aventures, qui commenceront le 6 octobre avec un week-end colombien imaginé par l’orchestre Le Balcon.
 

Clémence Hérout

D'hier à aujourd'hui

À bientôt

Posté le : 21 juin 2017 06:05 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie :

Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, vient de recevoir un prix.



(c) Mirco Magliocca

 
 
Personnellement, je voulais lui décerner le prix de la plus belle interprétation du professeur Bergamotte dans Les Sept Boules de cristal, mais je n’ai pas été entendue : l’association professionnelle de la critique, qui est composée de critiques professionnels en théâtre, danse et musique, vient de lui accorder le prix de la « personnalité musicale de l’année » pour « la richesse et la diversité de sa programmation musicale ».

Jean-Philippe Desrousseaux a été de son côté récompensé comme « meilleur créateur d’éléments scéniques » pour son Pierrot Lunaire avec marionettes programmé à l’Athénée en mars dernier. Vous pouvez trouver l’intégralité du palmarès ici.

Il faut dire que l’Athénée a pris depuis quelques années un virage musical ambitieux à base de résidence d’un orchestre inconnu dirigé par un trublion de 25 ans à Converse (on sait ce que le Balcon et Maxime Pascal sont devenus depuis), d’opéras baroques ou bouffes rarement joués ailleurs, de créations contemporaines ou de musiques électroniques.

Cette saison 2016-2017 fut donc celle de la réouverture après travaux par une recréation de la Symphonie fantastique de Berlioz par le jeune compositeur Arthur Lavandier, de la création de l’opéra contemporain Je suis un homme ridicule de Sébastien Gaxie d’après Dostoïevski, d’une version en vidéo live, peinture et théâtre d’objets de La Petite Renarde rusée de Janacek par Louise Moaty, d’un Pierrot Lunaire pour marionnettes par Jean-Philippe Desrousseaux, de la poursuite des lundis musicaux ou encore d’un imposant Dracula de Pierre Henry par Le Balcon en point d’orgue il y a trois semaines.

On y aura aussi vu Philippe Caubère et Clémence Massart, Toni Servillo, Adriana Asti, la troupe des Brigands, une trilogie des éléments pour voix et machine ou encore un opéra à suspense et un autre inspiré de Pierre Loti.


La saison 2017-2018 comptera six spectacles dramatiques, cinq spectacles musicaux et trois opéras, soit onze créations sur les quinze spectacles programmés.
Vous y retrouverez des créations du Balcon, des Brigands et de Philippe Caubère, les lundis musicaux ou encore une reprise de La Cantatrice chauve mise en scène par Jean-Luc Lagarce (avec les mêmes comédiens qu’à la création en 1991 !).
Vous y verrez aussi Fanny Ardant, Denis Lavant, un festival colombien, une comédie musicale de Chostakovitch, une redécouverte de Carmen, deux spectacles d’Alfredo Arias, un « opéra des cités », un tout nouvel orchestre nommé Les Apaches, une création par la jeune compagnie Phosphore, du Sade ou encore le compositeur contemporain Michaël Levinas.


L’abonnement vous permet de bénéficier de 50% de réduction dès cinq spectacles. La vente des places à l’unité sera ouverte à partir du 4 septembre.

Le blog prend quant à lui ses congés estivaux avant de revenir en septembre pour sa DIXIÈME SAISON (youhouuuuuu !). Merci de votre fidélité et bel été à tous.
 
Clémence Hérout

D'hier à aujourd'hui

"Connards ! Merde ! C'est une honte !"

Posté le : 01 juin 2017 19:30 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie :

Vous connaissez Pierre Henry. Il a une tête de tragédien grec de mauvaise humeur
 
(c) Anne Selders
 
(ne lui en voulez pas : s’il souriait, il ressemblerait au père noël), mais surtout sa musique a beaucoup été utilisée dans la culture populaire. À tout hasard, sa Messe pour le temps présent, qui a été chorégraphiée par Maurice Béjart, et qu’on a entendue partout ensuite :
 
Si vous ne voyez pas la vidéo, elle est ici sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=7K4RuQDxUaI
 
 
Né en 1927, il étudie la musique avec Pierre Boulez et Nadia Boulanger au Conservatoire national supérieur de musique. Pianiste et percussionniste, il commence rapidement à « préparer » des pianos, c’est-à-dire à y placer des objets pour en altérer le son, mais aussi à fabriquer ses instruments.

Il n’a même pas trente ans lorsqu’il commence à proposer des œuvres où se mêlent la musique électronique, les voix, les instruments et les sons du quotidien captés avec un micro — il se constitue d’ailleurs un dictionnaire des sons, qu’il qualifie de « dictionnaire de Babel ».

Il dirige également lui-même la diffusion de ses œuvres dans l’espace des salles de concert, assimilant les haut-parleurs à des musiciens. Il commence une collaboration avec le chorégraphe Maurice Béjart en 1955, et transforme également ses concerts en spectacle : en 1967, il donne par exemple un « concert couché » où il régit le son dans un ring de boxe, entouré du public allongé sur des matelas.

Préférant travailler des sons plutôt que des notes, ses concerts sont des théâtres sonores, qu’il considère comme une cérémonie dont il dirige tous les aspects. Ses œuvres sont données à la fois dans des lieux de musique contemporaine et des salles de concert comme l’Olympia. Il est considéré comme le père du sampling et du remix, et comme un inspirateur de beaucoup de musiques électroniques.
Il n’a pas cependant pas toujours eu une grande reconnaissance du milieu musical académique — et d’ailleurs, il n’a été bénéficiaire d’aides publiques qu’à partir de 1982 alors qu’il a commencé sa carrière en 1951.

Orchestre sonorisé proposant des concerts spatialisés, Le Balcon ne pouvait pas passer à côté de lui. Demain, il donnera ainsi Dracula à l'Athénée, composé par Pierre Henry en 2002 à partir de la tétralogie de Wagner, spatialisé et orchestré par Othman Louati et Augustin Muller.

Un avant-goût ici : 

La vidéo est là sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=P1-e9jUw2A8
 
 
 
Il sera précédé par Déserts d’Edgard Varèse (1883-1965), une œuvre mixte composée dans les années 1950 pour une vingtaine d’instrumentistes (dont cinq percussionnistes jouant quarante-sept instruments à percussion) et des bandes magnétiques.
Sa création au théâtre des Champs-Élysées en 1954 avait donné lieu à l’un des plus grands scandales musicaux du 20e siècle, dont l’on peut entendre une petite partie grâce à l’INA (ici)

Il est également raconté par Julien Mathieu dans son article (publié sur Cairn) Un mythe fondateur de la musique contemporaine : le « scandale » provoqué en 1954 par la création de Déserts d’Edgard Varèse, dont je vous propose quelques extraits :

« L’orchestre commence à jouer. […] peu à peu, quelques bavardages épars se font entendre. Un rire fuse alors qu’un son sourd de scie circulaire sort des haut-parleurs, puis quelques sifflets, discrets, se font entendre. […] C’est alors qu’un homme hurle : "À l’asile !", tandis que d’autres insultes, issues manifestement de bouches différentes, fusent : "Bande de salauds !", "C’est un scandale !", "Décadence !". Des "chut" répétés ramènent péniblement le calme alors que l’orchestre succède aux sons synthétiques. […] un homme crie : "Arrêtez, quoi !" .
 
Un brouhaha s’ensuit, des gens s’insultent ("connards !", "merde !", "c’est une honte !"), certains crient, quelques timides vagues d’applaudissements tentent de submerger le tumulte puis tout se calme un peu […]. certains membres de l’auditoire tentent d’imiter les sons étranges qu’ils entendent en les assimilant à des cris d’animaux : l’un caquète, l’autre siffle pendant qu’un dernier aboie, le tout agrémenté de rires féroces.
Le scandale s’installe alors : un auditeur s’exclame, par exemple : "Pendez-le !", beaucoup s’invectivent, discutent ferme de l’utilité d’écouter une telle musique. […]
 
Enfin, lorsque les sons agressifs de la troisième interpolation résonnent dans les haut-parleurs, ce sont des cris, des hurlements, des applaudissements qui, au fur et à mesure, couvrent presque la bande magnétique, jusqu’au retour de l’orchestre (qu’on entend à peine) et l’achèvement de l’œuvre, salué par un mélange "apocalyptique" (selon le terme de Iannis Xenakis) de sons humains tendant soit vers l’injure, soit vers l’ovation quelque peu forcée ».


Du coup, j’ai hâte de savoir ce que vous ferez demain : Dracula et Déserts se joueront demain et samedi à 20 h, et c’est le dernier spectacle de la saison !
 
 
Clémence Hérout

D'hier à aujourd'hui

Le jour est gris

Posté le : 26 avr. 2017 05:55 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie :

Résumé de l’épisode précédent :

Nous sommes sur une île minuscule au nord de l’Écosse en décembre 1900. Le gardien de phare Joseph Moore est de retour après deux semaines de congé pour relever l’un de ses trois collègues restés sur l’île. Son approche à bord du bateau chargé du ravitaillement est retardée par une tempête. À leur arrivée, non seulement le phare est éteint, mais le quai n’a pas été préparé pour l’amarrage et aucun gardien ne sort malgré les sirènes déclenchées par le bateau.


Une petite embarcation est mise à la mer pour que le quatrième gardien débarque accompagné de deux autres marins. Mais à leur arrivée, le phare est vide.
Tout est en ordre, à part quelques détails : une chaise a été renversée, une tasse est cassée, l’horloge ne fonctionne plus, des restes d’un repas sont retrouvés sur la table et le canari est très amaigri. Deux cirés et deux paires de bottes sur les trois manquent.

Les marins se précipitent pour fouiller les rochers de la petite île. Le quai ouest est endommagé certes, mais aucune trace des trois gardiens. Et s’il y a eu une forte tempête, il est de toute façon peu probable qu’ils se soient aventurés sur la jetée.

 
 
Joseph Moore et le commandant du bateau reviennent examiner le journal de bord des trois gardiens de phare James Ducat, Thomas Marshall et Donald McArthur. Les derniers jours, il avait été tenu par Thomas Marshall.


« 12 décembre
Coup de vent du nord quart nord-ouest. Mer démontée. Isolés par la tempête.

21 heures. Jamais vu un tel ouragan. Vagues très hautes, se brisant sur le phare. Tout est en ordre. Ducat irritable.

Minuit. La tempête fait toujours rage. Le vent ne mollit pas. Isolés, ne pouvons sortir. Un navire passe en actionnant sa sirène de brume. Je peux voir les lumières des cabines. Ducat tranquille. Mc Arthur pleure.


13 décembre
L’ouragan a continué toute la nuit. Le vent hale l’ouest quart nord-ouest. Ducat tranquille. McArthur prie.

Midi. Le jour est gris. Moi, Ducat et MacArthur avons prié.


15 décembre. 13 heures.
Tempête terminée. Mer calme. Dieu est au-dessus de tout. »


Le journal s’arrête là, dix jours avant l’arrivée du bateau sur l’île.
Sauf qu’aucune tempête n’a été signalée mi-décembre au large de l’Écosse. Et que Joseph Moore a certifié n’avoir jamais vu ses camarades, qui étaient des marins aguerris, ni prier ni pleurer.

Malgré l’enquête dépêchée par les autorités britanniques, on n’a jamais su ce qui était arrivé aux trois gardiens du phare d’Eilean Mòr.


Le compositeur Peter Maxwell Davies a imaginé leurs derniers jours dans son opéra The Lighthouse : c’est à l’Athénée jusqu’à après-demain dans une mise en scène d’Alain Patiès et une direction de Philippe Nahon.
 
Clémence Hérout

voir plus de billets