le blog de l'athénée

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Coulisses

Il y a une moustache sur la poubelle

Posté le : 04 juin 2010 06:30 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé

Lorsqu’on a un micro, on peut le tendre sous le nez des artistes en leur posant quelques questions.

On peut aussi être bien plus fourbe et le cacher à l’insu de tous dans un coin de l’Athénée pour le récupérer discrètement vingt minutes plus tard et découvrir ce qu’il a enregistré.

Voici donc, en deux minutes trente, un condensé de ce que l’on peut entendre dans les coulisses des Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau actuellement à l’Athénée.

Il y est entre autres question de déclamation, de dégustation de bonbons, de bouteilles de verre jetées dans le container, de rideau de fer et de moustache oubliée sur la poubelle.

 

Si vous ne pouvez pas lire la vidéo, cliquez ici pour l’écouter sur YouTube.

 

La semaine prochaine, vous entendrez le résultat du même exercice, cette fois du côté du public !

Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé mis en scène par Benjamin Lazar se joue jusqu’à la fin de semaine prochaine.

Bon week-end !

Coulisses

Vérifier, bougies, chaque, ta(â)che, amours.

Posté le : 03 juin 2010 06:06 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé

Comme vous l’avez vu en photo mardi et dans les propos de son metteur en scène hier, Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé actuellement à l’Athénée ne s’éclaire qu’aux bougies.

 

 

Plus besoin donc de vérifier le fonctionnement de chaque projecteur et de chaque effet lumineux avant chaque représentation comme c’est habituellement le cas, mais de nouvelles tâches apparaissent.

Il faut d’abord évidemment remplacer quotidiennement toutes les bougies (d’ailleurs, ça me fait penser, j’irai les compter à l’occasion), mais aussi enlever toutes les taches de cire sur le plateau à l’aide de la bonne vieille technique du fer à repasser :


… ou encore de resserrer et vérifier leurs supports afin d’éviter tout dévissage incontrôlé.

 

Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau mis en scène par Benjamin Lazar se joue encore dix jours !

Bon jeudi.

Entretien

Le spectateur en liberté

Posté le : 02 juin 2010 08:01 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé

Benjamin Lazar est le metteur en scène des Amours tragiques de Pyrame et Thisbé où il joue également le rôle de Pyrame. Entretien téléphonique un jour de relâche :


« Certains spectateurs de l’Athénée te connaissent pour avoir vu ton spectacle L’autre Monde ou les états et empires de la lune en 2008. Mais comment pourrais-tu expliquer ta démarche à ceux qui n’ont jamais vu ton travail?
— Je travaille depuis maintenant de nombreuses années sur le répertoire baroque, en élargissant la notion de baroque à l’ensemble du 17e siècle : car même si l’on trouve des nuances dans l’écriture, c’est une même conception de l’acteur qui traverse le siècle. Ma démarche consiste à m’intéresser non seulement aux textes de cette époque, mais aussi aux techniques de l’acteur et aux éléments dont il se servait comme la lumière, le costume et la scénographie qui permettaient d’interpréter ce texte.
Concrètement, cela veut dire se demander en premier lieu comment un acteur utilisait sa voix, ce qui implique autant des recherches sur la prononciation que sur la déclamation (la première porte sur la façon dont on prononce un mot, la seconde sur la modulation de la voix).
Ensuite, la gestuelle de l’acteur au 17e siècle est très loin de la conception naturaliste du jeu où le corps est le reflet des sentiments, comme si la scène était l’équivalent de ce qui se passe dans la vie. La gestuelle baroque est issue d’une relecture de l’art oratoire antique, et les gestes accompagnent les idées et les mots pour appuyer le discours. Par exemple, quand on parle du ciel, on montre le ciel, quand on parle de l’amour, on montre son coeur... Ce sont des choses considérées aujourd’hui comme redondantes par rapport à ce que dit le texte, sauf que le geste est en fait là pour amener le mot par l’oeil avant ou pendant qu’il arrive dans l’oreille, et aider ainsi à la compréhension du spectateur.
Dans le même ordre d’idées, le costume a évidemment une fonction esthétique et symbolique, mais il a aussi des conséquences sur la façon de se mouvoir. Enfin, sur la question des lumières, car Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé est entièrement éclairé à la bougie, il faut savoir qu’il est impossible aujourd’hui d’imiter les qualités de la bougie. Il s’agit en outre d’un outil pour les acteurs, car les bougies sont des sources fixes: selon ses déplacements et l’orientation de son visage, l’acteur choisit d’être plus ou moins éclairé ou de créer un effet particulier. Ainsi, lorsque la mère de Thisbé raconte son rêve prémonitoire pour être petit à petit possédée par la parole de Thisbé, elle lève la tête: avec l’ombre, ses yeux paraissent noirs et changent sa physionomie. Il y a donc une vraie autonomie de l’acteur par rapport à la façon dont il s’éclaire.

— Tes spectacles relèvent-ils de la reconstitution historique ou d’une véritable création contemporaine ?
— Si nous incorporons des éléments issus de recherches historiques, ils sont mis au profit d’une recherche d’aujourd’hui: les acteurs s’approprient ces codes pour en faire un langage actuel… C’est une chose nouvelle qui se crée, car on ne saura jamais réellement comment cela se faisait!
Évidemment, sur le papier on peut se dire qu’il s’agit d’une démarche plus proche de la recherche historique que de la création artistique: mais c’est ne pas tenir compte des comédiens vivants qui investissent cette recherche... Ce qui m’intéresse est bien en quoi ces éléments historiques sont des outils qui créent quelque chose au présent.

— Hélène, l’une de mes lectrices, faisait remarquer sur le blog que Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé se rapprochait du théâtre nô, une forme de théâtre japonais très ancienne. Es-tu d’accord avec cette comparaison?
— Oui, il y a quelque chose de juste dans cette remarque. Le théâtre nô est un théâtre oriental plus ancien que le théâtre baroque puisqu’il date du moyen-âge et, comme le théâtre baroque, c’est une forme de théâtre qui ne relève absolument pas du naturalisme: il met en œuvre une série de codes très précis pour représenter les émotions et parler ; la parole n’appartient pas à un seul personnage mais aussi à un choeur qui vient commenter l’action, et il existe une sorte de diagramme de déplacements extrêmement précis.
L’attention portée au corps symbolique, à un art du déplacement qui crée un corps différent de la façon dont on se meut dans la vie rejoint effectivement le baroque, tout comme la façon de moduler la voix par exemple.
Mais il y a aussi des différences fondamentales: par exemple, la gestuelle baroque n’est pas ensemble de signes préécrits mais plutôt un principe d’animation du discours dont on a certes des exemples dans les traités d’art de l’acteur, mais qui ne limitent pas l’invention du comédien. Il existe des gestes adéquats pour faire passer des idées et soutenir le discours, mais il ne s’agit pas de choses entièrement chorégraphiées et préécrites dans lesquelles les acteurs n’auraient pas leur place. Dans le Nô, je ne doute pas que la part de l’invention de l’acteur existe, mais elle est tout de même plus réduite et se fait de très subtiles variations.

— Dans l’acte II, Pyrame dit à son ami Disarque “Je crois que ta raison vaut moins que ma folie” : à ton sens, ce vers résume-t-il autant la pièce que l’esthétique baroque dans ce qui en sera rejeté à l’époque classique ?
— Je ne sais pas s’il résume la pièce, en tout cas cela dépend de la façon dont on l’interprète. Il ne s’agit pas en tout cas d’un éloge de la folie comme opposition à la pensée: c’est plutôt une façon d’affirmer que l’individu n’a pas à se soumettre au système qui lui est présenté comme raisonnable et peut revendiquer sa liberté, ce que les autres qualifient de folie (ou, pour reprendre le terme qu’emploie le confident de Pyrame, de “mélancolie”)
À vrai dire, je crois que c’est un autre vers qui résume la pièce ; c’est lorsque Thisbé dit: “il est temps de pourvoir à notre liberté”. La plupart des personnages de la pièce sont dans cette quête de liberté et d’affranchissement de leur condition, dans ce désir de sortir du joug parental et royal. Le souhait de tous ces personnages est aussi leur échec, car la pièce est une tragédie : les personnages ne trouvent l’accomplissement que dans la mort.
Pour revenir cependant sur l’opposition entre raison et folie et ses liens avec l’esthétique baroque, il y a dans l’écriture de Viau un certain goût pour l’association illogique, l’oxymore, les invraisemblances. Cette façon d’écrire lui sera reprochée par des gens comme Boileau qui moque la réplique de Thisbé où elle associe la rougeur du sang présent sur le poignard à la supposée honte de ce dernier (acte V : “Ha ! voici le poignard qui du sang de son maître / S'est souillé lâchement ; il en rougit, le traître !”) ; d’ailleurs, si Viau avait été vivant pour répondre à cette attaque, il aurait sans doute pu lui répliquer : "Je crois que ta raison vaut moins que ma folie".
Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé est un manifeste d’écriture. Dans ce "lieu commun” (au sens de lieu partagé par l’imaginaire de tous) de l’histoire de Pyrame et Thisbé, Viau, tout en faisant passer beaucoup de choses de l’univers des Métamorphoses d’Ovide, fait passer sa voix et ses idées à lui.
Quant à l’opposition du classicisme au baroque, elle est effectivement symbolisée par ce duel entre Boileau et Viau… Le classicisme est une invention du 18e siècle, mais beaucoup d’auteurs catalogués comme classiques, non seulement lisaient Viau, Saint-Amant, Cyrano de Bergerac, mais en gardaient aussi l’esprit dans certains aspects de leurs écrits! Voltaire a rejeté Viau dans l’ombre, et il s’est retrouvé considéré comme un auteur obscur….

— Puisque l’on parle d’ombre, peux-tu commenter le fait que Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé se déroule la nuit?
— La tragédie se déroule la nuit, du soir au matin. C’est la nuit qui permet à Pyrame et Thisbé de se retrouver, car la clarté ne le leur aurait pas permis. La nuit est un passe-droit souvent utilisé par les poètes pour laisser libre cours à leur imagination sans avoir à rendre compte de la vraisemblance (voir par exemples les songes de Quvedo traduits par Scarron au 17e siècle).
Dans Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé, nous nous servons de l’ombre de manière très concrète: la bougie éclaire les visages et les dentelles, mais ne laisse que deviner les formes et rend incertains les contours des acteurs qui s’avancent sur le théâtre: dans cette nuit (comme disait Corneille, il n’y a de lumière “que ce qu’en peut souffrir le commerce des ombres”), ce que voit le spectateur, est-il réel ou irréel? Les personnages sont-ils des êtres humains ou des fantômes? L’imagination des spectateurs est en liberté, soutenue par les vers de Théophile de Viau...»

Pour apprécier la part d’ombre des Amours tragiques de Pyrame et Thisbé, vous avez jusqu’au 12 juin. Bonne journée !

Coulisses

Le jeu en vaut la chandelle

Posté le : 01 juin 2010 08:05 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé

Avec Benjamin Lazar, le metteur en scène des Amours tragiques de Pyrame et Thisbé actuellement à l’Athénée, point besoin de projecteurs :

 

 

Pour vivre un spectacle à la lueur de la bougie, vous avez jusqu’au 12 juin. Bon mardi !

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