le blog de l'athénée

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D'hier à aujourd'hui

Le 16 août, je devais rencontrer Jouvet

Posté le : 01 févr. 2016 17:21 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Présentation et historique de l'Athénée

Louis Jouvet fut le directeur de l’Athénée de 1934 à sa mort dans les murs du Théâtre, en août 1951. 

J’ai dans ma bibliothèque un livre jauni, gondolé et dont les pages ont été mal ouvertes au coupe-papier, écrit par l’administrateur de la Comédie-Française de 1947 à 1953, Pierre-Aimé Touchard. Il y raconte entre autres la façon dont il a vécu le décès de Louis Jouvet :


« Le 16 août, je devais rencontrer Jouvet pour aller visiter une salle de spectacle à Suresnes, avec Jaujard et Jeanne Laurent.
Arrivé à la Direction des Arts et des Lettres, où nous avions pris rendez-vous, j’appris qu’il était mourant, pris d’une syncope en pleine répétition. Nous nous rendîmes aussitôt à l’Athénée où on l’avait installé sur un lit de camp, dans son bureau, mais nous ne pûmes le voir. Il mourut le lendemain.

Quand je revins, à cinquante mètres la rue Caumartin semblait déjà frappée de stupeur. Une centaine de personnes stationnaient sur les trottoirs, dans l’espoir de voir passer des personnalités, malgré la dispersion du mois d’août. Dans la petite cour du théâtre, les collaborateurs de Jouvet, que j’avais vus effondrés l’avant-veille, semblaient déjà s’installer dans l’événement : tous les réservoirs de souffrance avaient été épuisés durant cette longue agonie, et il fallait leur laisser le temps de se remplir à nouveau, goutte à goutte. Le secrétaire général, Blanquet, m’accompagna jusqu’au bureau où Jouvet reposait.

Je le suivais comme un automate, la pensée loin du mort. Mais quand il fallut franchir cette porte, et que l’image de Jouvet vivant, sarcastique et puissant, s’est brusquement jetée devant mes yeux, je fus pris d’une panique, et je pensai : “Non, c’est trop dur”.
Le voir n’importe où eut été tolérable, mais dans ce bureau, le voir vaincu, lui dont l’assurance et la maîtrise avaient paralysé tant de comédiens et m’avaient glacé tant de fois, ici-même, cela me parut tout d’un coup sacrilège, impie, et je sentis combien profondément je l’admirais et combien j’aurais aimé conquérir son estime.

Par bonheur, le cadavre blanc allongé sur ce lit était méconnaissable. [...] Jouvet n’était pas là. Sur un divan, au pied du lit, trois femmes, que je crus reconnaître mais que la douleur faisait sans nom, le visage terne, décomposé. Nous défilions sans arrêt devant elles qui ne nous voyaient pas. Au moment de quitter la pièce, les yeux fixés sur ce visage blanc, il m’apparut tout d’un coup reconnaissable, avec une sorte de sérénité douce. »

 

Malgré les allées et venues, les perceuses, les échafaudages et le démontage des dessous et du plateau en cette période de travaux, l’âme de Louis Jouvet semble toujours flotter dans l’Athénée. On espère que vous continuerez à la sentir à la réouverture du théâtre à l’automne 2016 !

 

Clémence Hérout

 Pierre-Aimé TOUCHARD, Six Années de Comédie-française. Mémoires d’un administrateur. Éditions du Seuil, Paris, 1953.

D'hier à aujourd'hui

The Louis Génie

Posté le : 11 janv. 2016 20:05 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Présentation et historique de l'Athénée

Alors que l’Athénée subit les assauts d’outils destructifs divers, je vous propose un retour vers des valeurs sûres. 

Nous sommes en 1934 : alors qu’il vient de prendre la direction du Théâtre de l’Athénée, Louis Jouvet met en scène Tessa, La Nymphe au coeur fidèle, un roman britannique de Margaret Kennedy adapté pour le théâtre en français par Jean Giraudoux.

La Petite Illustration, supplément littéraire réservé aux abonnés du journal hebdomadaire L’Illustration, lui consacre son numéro 703 du 22 décembre 1934. On y trouve une analyse du texte, des photos du spectacle et une revue de presse des représentations.


Tessa Petite Illustration Jouvet Athénée

Voici comment le journaliste Robert de Beauplan introduit le numéro : 
Tessa, la Nymphe au coeur fidèle, est le premier spectacle nouveau que Monsieur Louis Jouvet ait présenté depuis qu’il a transporté sa compagnie de la Comédie des Champs-Élysées au théâtre de l’Athénée. Dans cet autre cadre, il a fait preuve du même soin scrupuleux et de la même perfection qui lui ont valu tout à la fois l’estime d’une élite et l’affluence d’un large public.”

L’époque était bien différente : nous ne sommes pas encore dans l’ère du metteur en scène, et c’est bien l’adaptation réalisée par Jean Giraudoux qui occupe la quasi intégralité du numéro au détriment du travail d’acteur et de metteur en scène de Louis Jouvet, qui, à part via les photos, est finalement peu mentionné -et quand il l’est, ce n’est pas sous le titre de metteur en scène mais d’”animateur” !...
Après analyse du texte de Jean Giraudoux, les journalistes cités dans la revue de presse de La Petite Illustration citent en effet parfois le directeur du Théâtre de l’Athénée, théâtre dont on ne donne pas non plus toujours le nom, le désignant plutôt par son adresse : il est par exemple question d’un “triomphe depuis quinze jours square Boudreau”. On trouve tout de même quelques mentions du travail scénique.


Athénée Petite Illustration Louis Jouvet Tessa

(mais oui, c'est l'Athénée !)


Henry Torrès, journaliste à Gringoire, écrit ainsi : “En choisissant Monsieur Jean Giraudoux pour accommoder Tessa au goût français, Monsieur Louis Jouvet a affirmé une fois de plus l’infaillible sûreté de ses sélections.”

Paul Reboux, journaliste au Petit Parisien, considère que Tessa “est la pièce la plus originale, la plus riche et la plus émouvante que l’on joue présentement à Paris”.

Après avoir loué l’adaptation de Jean Giraudoux, Robert Kemp écrit dans La Liberté que “la mise en scène est toute parfaite. Mieux que parfaite : spirituelle!”

Le style délicieusement mondain de Lucien Dubech se lit dans le (pour le coup) bien nommé Candide : “M. Giraudoux en a tiré une pièce pleine d’agrément, dont M. Jouvet a tiré ensuite un charmant spectacle. Ce qui plaît surtout en cette affaire est la gentillesse qu’y a mise M. Giraudoux et le parti qu’en a tiré M. Jouvet.”

Pierre Audiat déborde d’amour dans Paris-Soir : “En sortant de l’Athénée, nous avions envie de dire : nous sommes en train de faire la dernière expérience théâtrale, réfléchissons-y. Oui, si une pièce de substance aussi riche et de forme si plaisante, si la collaboration heureuse de tous les arts, si tant de grâce, tant de jeunesse, tant de sincérité, si tant d’argent intelligemment dépensé, si tant d’amour pour ce qui est beau laissait le public indifférent, s’il ne voyait pas ce qu’a de rare, d’exceptionnel l’effort d’un chorège tel que Monsieur Louis Jouvet, il faudrait désespérer du théâtre.”

André Guerne estime dans La Presse que “le premier spectacle de Monsieur Louis Jouvet au théâtre de l’Athénée est une réussite parfaite. On peut parler de la crise du théâtre [ah, tiens, déjà]. Je suis bien certain qu’elle n’aura pas d’effet sur une telle pièce”.

Athénée Petite Illustration Louis Jouvet Tessa


À la toute fin du numéro, après l’analyse du texte, les photos et la revue de presse du spectacle, le journaliste Robert de Beauplan présente tout de même le travail scénique en ces mots, qui concluent la revue :

“La réalisation matérielle de Tessa a été, de l’avis commun, un enchantement. Les décors de Monsieur René Moulaert, si parfaitement évocateurs, la discrète musique de scène de Monsieur Maurice Jabert, qui sert elle aussi à compléter l’atmosphère, et par-dessous tout l’interprétation n’ont rencontré que des éloges.
Monsieur Louis Jouvet, l’animateur du spectacle, s’est réservé pour lui-même le rôle de Lewis Dodd, qu’il a marqué de sa personnalité au point qu’on ne serait désormais imaginer le personnage sous d’autres traits. Auprès de lui, Mademoiselle Madeleine Ozeray, que le théâtre du Marais avait révélée, est la Tessa la plus exquise de sensibilité ardente, de fraîcheur juvénile, de poésie mélancolique. Elle fait de la tendre héroïne une composition inoubliable.
On ne peut que nommer ici les autres interprètes qui, dans les moindres silhouettes, témoignent de la cohésion et de l’exactitude discipline que Monsieur Louis Jouvet sait obtenir de sa troupe : c’est Madame Paule Audral, la dernière femme de Sanger, Madame Yolande Laffon, qui prête son élégance à l’antipathique, jalouse et compassée Florence, Mesdames Simone Denis, Claude May, Lisbeth Clairval, qui sont fort différemment les autres filles Sanger, Monsieur Pierre Renoir, qui se contente cette fois d’un rôle un peu effacé, auquel il apporte toutefois beaucoup de distinction, Monsieur Sokoloff, qui campe fort pittoresquement le domestique italien, Messieurs Harry James, Romain Bouquet, Mesdames Odette Talazac, Claire Gérard, sans oublier un étonnant petit garçon, Jean Pâqui, qui possède déjà toute l’autorité et la rouerie d’un véritable acteur.”

Robert de Beauplan avait du nez : Jean Pâqui, qui n’avait que treize ans à l’époque, fit ensuite une longue carrière au cinéma où il travailla avec Abel Gance, Jean Dréville, Sacha Guitry, Pierre Renoir ou Bourvil. Il a aussi été médaillé en saut d’obstacles aux Jeux Olympiques, champion mondial amateur de voltiges aériennes et navigateur en bateau pneumatique sur l’Océan Indien, avant de mourir d’un accident de voiture il y a dix ans.


Rendez-vous la semaine prochaine pour des nouvelles plus récentes de l’Athénée !

Clémence Hérout

Coup de théâtre

À l'année prochaine !

Posté le : 23 juin 2015 06:00 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Présentation et historique de l'Athénée

Si vous avez tout suivi, vous savez que l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet sera fermé pour travaux la saison prochaine.

Sans spectacle ni public pendant quelques mois, l’Athénée sera habité par des architectes, des ouvriers, des artisans, des chefs de chantiers et quelques-uns de ses salariés.

Vous pourrez vous aussi suivre les travaux, puisque le blog continuera pendant cette période : pas tous les jours bien sûr, mais je vous écrirai de manière hebdomadaire.

Nous nous retrouvons donc en septembre pour des nouvelles de l’Athénée en chantier !


Bel été

Clémence Hérout

Coup de théâtre

L'Athénée ferme pour travaux

Posté le : 03 juin 2015 10:45 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Présentation et historique de l'Athénée

Combien de temps allez-vous fermer le théâtre ?

Comment peut-on vous aider à réunir les financements nécessaires ?

Est-ce que vous allez enfin rembourrer les fauteuils ?

Que va devenir l’équipe ?

Allez-vous continuer à programmer du théâtre et de la musique après les travaux ?

Et pourquoi pas mettre les sièges en quinconce ?

 

Les questions étaient nombreuses avant-hier à l’Athénée, où beaucoup d’entre vous étaient venus en savoir plus sur la campagne de travaux qui occupera le Théâtre la saison prochaine. La rencontre ayant duré plus de deux heures, voici un résumé :

L’Athénée ferme le 31 juillet pour travaux. La réouverture est espérée pour le printemps 2016.

Les murs du Théâtre appartiennent à un propriétaire privé qui a décidé de restaurer la façade, rendant ainsi l’activité habituelle impossible le temps de la rénovation. Il a donc été souhaité profiter de ce temps de fermeture pour conduire une campagne plus importante de travaux touchant la salle, le plateau et les espaces d’accueil (hall, escaliers, foyer).

Le plateau sera renforcé pour faciliter les manipulations sur le gril et dans la cage de scène.
La fosse d’orchestre sera réaménagée pour simplifier son (dé)montage et accroître le nombre de musiciens qu’elle peut accueillir -parce qu’actuellement, ils sont très très tassés... Quand ils arrivent à rentrer dedans.

En salle, les fauteuils sont rembourrés et retapissés (je sens que beaucoup crient “HOURRAH” dans leur tête).
La visibilité des derniers rangs du deuxième balcon sera améliorée.
L’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite sera développée, mais également celle des personnes malentendantes : un système infrarouge permettra aux personnes appareillées de se connecter directement au circuit de diffusion du son du Théâtre et ainsi transformer leur confort auditif.
Vous arrêterez de crever de chaud ou de mourir de froid (en fonction de la saison et de votre placement dans la salle), puisque le système de ventilation sera entièrement modifié.
Les peintures des décors dans la salle seront nettoyées.

Dans le hall, les escaliers et le foyer, les peintures seront rafraîchies et la sécurité sera renforcée en améliorant par exemple les garde-corps et les rampes.


Le budget des travaux s’élève à 1,7 million d’euros, dont une grande partie est prise en charge par le Ministère de la Culture. La Ville de Paris n’a pas souhaité accorder son aide. Le Théâtre est en attente de la commission du Conseil Régional d’Île-de-France auprès de laquelle il a déposé un dossier.
De nombreux mécènes privés se sont manifestés, en particulier des spectateurs du Théâtre qui souhaiteraient participer, mais le statut de l’Athénée ne permet malheureusement pas la défiscalisation des dons.

Pendant les travaux, l’Athénée sera fermé et la grande majorité de l’équipe placée en mesure d’activité partielle (ou chômage technique). Certains salariés assureront cependant le suivi des travaux, l’Athénée ayant la responsabilité de la maîtrise d’ouvrage.
Il n’y aura pas de spectacles pendant cette période, car la programmation d’une saison hors les murs aurait nécessité la location d’autre(s) salle(s) et donc un budget supplémentaire que le Théâtre ne peut se permettre.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les laisser en commentaire sur ce blog ou par mail à clemence(at)athenee-theatre.com -en remplaçant (at) par @. Je m'efforcerai d'y répondre avec l'aide de l'équipe du Théâtre.
Ne répondez pas directement à ce mail, l’adresse qui vous envoie les billets tous les matins ne pouvant recevoir de messages.

Bonne journée à tous !

Clémence Hérout

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