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Coulisses

Un festin pour les oreilles

Posté le : 17 févr. 2017 11:59 | Posté par : Clémence Hérout
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Samedi prochain, c’est le début de l’opéra Je suis un homme ridicule, adapté d’une nouvelle de Dostoïevski.

La musique a été composée par Sébastien Gaxie et le texte écrit par Volodia Serre, que vous avez pu voir à l’Athénée dans Les trois Sœurs de Tchekhov.


Cela fait plus de quinze ans que la nouvelle de Dostoïevski trotte dans la tête de Volodia Serre, qui a cependant l’impression que quelque chose manque au texte pour exprimer toutes ses dimensions dans une adaptation sur scène : la nouvelle raconte en effet le rêve d’un homme qui voyage sur une autre planète.

D’après Volodia Serre, « pour raconter cette vision d’extase, cette sensation d’une harmonie d’un monde idéal, il semblait inévitable d’utiliser la musique. Il ne peut pas y avoir d’harmonie, de paix partagée sans musique. Cela me paraissait aller de soi. Dostoïevski écrit que le personnage ne comprend pas les paroles des habitants de la planète où il arrive, mais qu’il en comprend le sens, car il passe dans la musique de la langue. C’est un élan musical qui l’amène vers la planète, et la révélation de l’harmonie s’opère par la musique. C’est sous doute pour cela que j’avais l’impression que quelque chose manquait dans les adaptations théâtrales de la nouvelle que j’avais vues. »


Photo prise par Sébastien Gaxie en répétition

 
Volodia Serre partage ses réflexions avec le compositeur Sébastien Gaxie, qui raconte :

« Volodia et moi nous connaissons depuis longtemps puisque nous étions ensemble au collège… Nous avons travaillé ensemble sur A Feast For The Ears, une pièce musicale radiophonique que j’ai composée sur la cuisine du chef Pierre Gagnaire : j’avais choisi de mettre des micros à son restaurant rue Balzac, à la fois dans la cuisine et en salle, à une table où mangeaient des comédiens, dont Volodia Serre.
 
Dans mon travail, je prends des éléments du réel que j’enregistre avant de les transcrire en musique. Si j’enregistre une voiture ou un téléphone, je vais coudre un instrument sur le bruit de cette voiture ou de ce téléphone, comme une décalcomanie musicale de la réalité. Pour A Feast For The Ears, j’avais choisi un ensemble de jazz en salle et un de musique contemporaine en cuisine, dans une alternance musicale et théâtrale de deux lieux qui se répondent. Le projet s’est bien passé, nous avons même gagné le prix Italia à Turin.

Volodia Serre a eu l’intuition que cela serait bien de se confronter à un texte. Nous nous sommes retrouvés au restaurant du théâtre du Rond-Point en fin 2013 ou début 2014, où j’ai naturellement parlé de Dostoïevski, car je sais qu’il aime la littérature russe et moi aussi. C’est là qu’il m’a sorti la nouvelle Le Rêve d’un homme ridicule, dont il voulait me parler… »
 


Photo prise par Sébastien Gaxie en répétition

 
Si Volodia Serre a pensé à Sébastien Gaxie en effet, c’est d’abord pour son travail sur la voix parlée :

« La langue de Dostoïevski est extrêmement théâtrale : tout le texte induit la scène. C’est parce que la parole y est logorrhéique qu’il fallait un compositeur capable de s’en s’emparer.
Les livrets d’opéra sont généralement très courts, puisqu’on a tendance à y réduire le matériau textuel à quelques éléments, qui servent seulement de support à l’expression du sens. Par exemple, notre livret fait 80 pages alors que le livret d’un opéra de cette durée en ferait habituellement plutôt 20. Même si je dois dire que Sébastien Gaxie n’a pas arrêté de me dire qu’il y avait trop de texte ! Nous avons mené un important travail linguistique sur le texte, et Sébastien Gaxie a travaillé directement à partir de la voix des interprètes. »


Nous verrons dans un prochain billet comment Sébastien Gaxie et Volodia Serre ont concrètement travaillé à la création de l’opéra. Je suis un homme ridicule commence le samedi 25 février !
Clémence Hérout