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Un clown ne mange pas

Posté le : 26 déc. 2016 06:00 | Posté par : Clémence Hérout
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Concernant la création des Chevaliers de la table ronde, je vous ai parlé du choix de l’œuvre, de sa transcription et du travail artistique et de production mené très en amont. Le choix des chanteurs est ensuite réalisé rapidement.

Le metteur en scène Pierre-André Weitz a en effet envisagé la direction d’acteurs assez tôt : « Les Chevaliers de la table ronde mettent en œuvre un comique de situation, de caractère, de geste, de langue, de répétition… Il fallait recréer ce comique de la joie pure, de l’enfance, qui me parlait énormément : en clair, retrouver mon âme d’enfant.
Je me suis rapidement dit que plus personne ne savait jouer comme cela et qu’il allait falloir réinventer un jeu de troupe et une convention de jeu complètement loufoque, exacerbée, barrée et clownesque. Je me suis inspiré du clown et cinéaste Pierre Etaix, mais aussi de la pensée de Fellini sur les clowns : est-ce que les clowns peuvent encore faire rire ?
Sur le rideau de scène, j’ai marqué que Les Chevaliers de la table ronde sont un "opéra-bouffe où on ne mange pas", en écho à la réponse d’Annie Fratellini à un journaliste qui lui demandait de quoi se nourrissait un clown : "un clown ne mange pas. Ou peut-être des tartes à la crème"… »


 
Les auditions sont menées plusieurs mois avant la première. Pierre-André Weitz a son idée pour le rôle principal, celui de Rodomont : « J’ai tout de suite pensé à Damien Bigourdan pour le rôle principal, il fallait qu’il soit là. C’était la base. J’ai parlé avec lui de l’esthétique à laquelle je pensais et de cette convention de jeu, il était très heureux. 
Nous avons auditionné pour trouver le reste de la troupe. J’ai eu la chance de pouvoir choisir avec Christophe Grapperon, le directeur musical, Alexandre Dratwicki du Palazzetto Bru Zane, et Loïc Boissier des Brigands, les chanteurs que nous voulions. »

Damien Bigourdan, l’interprète de Rodomont, complète « Je suis arrivé sur la production car Pierre-André Weitz a pensé à moi : il a été mon premier professeur de chant quand j’avais vingt-cinq ans. Il m’avait entendu chanter dans les coulisses d’un spectacle du metteur en scène Olivier Py sur lequel j’étais comédien et lui scénographe, et il m’a donné des cours de chant. Nous n’avions jamais travaillé ensemble en musique, mais nous avons fait beaucoup de spectacles avec Olivier Py. J’ai passé l’audition avec l’air de Rodomont, à l’issue de laquelle ils m’ont confié le rôle. »
 

 
Nicolas Ducloux, le chef de chant, qui était déjà intervenu sur les premières lectures de la partition, est également présent sur les auditions des chanteurs. Un chef de chant est un pianiste qui accompagne les chanteurs avant l’arrivée de l’orchestre et est capable de les faire travailler en l’absence du directeur musical.

Une fois le casting réalisé, chacun travaille chez soi pour préparer les premières répétitions. Damien Bigourdan explique : « une fois le livret et la partition reçus, je me suis mis au boulot et j’ai travaillé tous les ensembles. J’ai appris avec le pianiste Alphonse Cemin [que les spectateurs de l’Athénée connaissent en tant que membre de l’orchestre Le Balcon] qui m’a aidé.
Collaborer avec un pianiste comme Alphonse permet de travailler des textures de voix, de couleurs… Surtout dans l’opéra-bouffe qui offre une liberté impressionnante. Tout seul, je peux apprendre la partition, mais c’est important de travailler avec une personne pouvant faire des retours.
Christophe Grapperon, le chef d’orchestre, avait des exigences précises sur la diction, mais il nous a laissé une grande liberté sur la couleur de voix et le jeu. Sinon, pour apprendre le texte, je le dis, le redis, et m’amuse… »

 

 
Six mois avant la première, les chanteurs se sont retrouvés avec le metteur en scène Pierre-André Weitz, le directeur musical Christophe Grapperon et le chef de chant Nicolas Ducloux pour deux jours de travail ensemble, racontés par Christophe Grapperon : « nous avons passé deux jours à lire les textes et la musique, comme un laboratoire. J’avais quelques idées, mais il fallait voir si cela correspondait aux chanteurs. 
Ces deux jours ont permis de saisir l’esprit du spectacle, d’essayer beaucoup de choses. Ce n’était pas le moment des indications techniques, car nous avions choisi d’aller dans le caractère et l’invention. Nous nous sommes laissé beaucoup de liberté en nourrissant l’imaginaire, en nous donnant des images, en créant des situations, même si elles étaient décalées. J’aime beaucoup pratiquer le contrepied, par exemple travailler un air rapide comme un motet ou une romance comme un air à boire, ou alors en s’inventant des films, des histoires qui ne sont pas forcément celles qui seront sur scène. »


 
 
Pour Pierre-André Weitz, « Christophe Grapperon est un ange. On était toujours d’accord et on riait toujours ensemble. Ce n’est pas une collaboration, c’est une amitié qui est née. Sur ces deux jours de laboratoire, Christophe Grapperon donnait des intentions de mise en scène et moi des intentions musicales ! Une fois définies les conventions de jeu, il fallait vite mettre en scène. »

Les artistes se sont ensuite tous retrouvés seulement cinq semaines avant la première, qui a eu lieu le 22 novembre 2015 à l’Opéra de Bordeaux. Je vous raconterai cette dernière étape de la création début janvier !
En attendant, profitez bien de vos vacances si vous en avez.

 
Clémence Hérout


Photos : Lorraine Wauters