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Posté le : 15 déc. 2016 16:15 | Posté par : Clémence Hérout
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Je vous racontais lundi le tout début du spectacle Les Chevaliers de la table ronde. Une fois l’œuvre et le metteur en scène choisis, c’est Thibault Perrine qui intervient.

Thibault Perrine est arrangeur, c’est-à-dire que c’est grâce à lui que tous les chanteurs et musiciens se retrouvent avec une partition. Contrairement à ce que l’on imaginerait en effet, les partitions ne font pas toujours l’objet d’une édition corrigée et lisible : si Les Noces de Figaro de Mozart ou les symphonies de Brahms ont été éditées, revues par des générations de musicologues et rendues disponibles à la location ou la vente, la partition des Chevaliers de la table ronde a dû être reconstituée.

Dans un premier temps, Thibault Perrine a mené un travail de recherche de sources : la partition originale de Hervé a été retrouvée à la bibliothèque de l’Opéra de Paris, donc non seulement sous une forme manuscrite, mais aussi dans une certaine pagaille puisqu’elle mélangeait plusieurs versions de l’œuvre et reprenait les corrections apportées au fur et à mesure. 
Il fallait donc d’abord repérer ce qui correspondait à quelle version, déchiffrer un manuscrit pas toujours bien écrit et le confronter à la partition piano-chant (conçue pour que les chanteurs répètent avec un pianiste avant l’arrivée de l'orchestre), qui ne correspondait pas toujours.
Une fois le manuscrit déchiffré et les deux versions reconstituées, il a été choisi de créer une troisième version reprenant les meilleurs passages des deux originales. 

Vient ensuite la constitution de l’orchestre. La partition de Hervé a été écrite pour un orchestre symphonique, composé de plusieurs premiers violons, plusieurs seconds violons, plusieurs altos, plusieurs violoncelles, plusieurs contrebasses, deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, quatre cors, deux trompettes, trois trombones, timbales et percussions – ce à quoi il faut ajouter qu’entre les deux versions des Chevaliers de la table ronde, l’effectif change légèrement. 

Si les cordes jouent "en pupitre", ce qui veut dire que chaque partie est jouée simultanément par plusieurs instrumentistes (jusqu'à huit pour les premiers violons, par exemple), chaque instrument à vent joue en revanche une partie spécifique. Les instruments à cordes représentent donc plus de la moitié de l’orchestre, mais correspondent seulement à cinq portées de musique dans la partition originale, qui est en fait occupée aux deux tiers par les parties des instruments à vents (bois et cuivres). 
 
Pour permettre à ses spectacles de tourner dans de nombreuses salles françaises, la compagnie des Brigands a choisi de jouer en petit effectif. L’orchestre que vous verrez à l’Athénée est donc composé de deux violons, d’un alto, d’un violoncelle, d’une contrebasse, d’une flûte, d’un hautbois, d’une clarinette, d’un basson, d’un cor, d’une trompette, de timbales et de percussions (jouées par le même musicien) et d’un piano.

L’équilibre entre les cordes et les instruments à vent est donc repensé, et la disposition de certains accords modifiée (six instruments à vents remplaçant ici les dix-sept instruments qui jouaient tous une partie différente dans la version originale).  Ajouté par rapport à la nomenclature utilisée par Hervé, le piano endosse quant à lui un rôle discret mais utile en renforçant notamment l’accompagnement. Aucune modification n’est apportée aux lignes de chant.

Réduire l’effectif d’une partition ne consiste donc pas simplement à diminuer le nombre de musiciens : il faut repenser l’équilibre global de l’orchestre et adopter des dispositions et une écriture spécifiques à l’ensemble instrumental qui va réellement s’emparer de cette musique.

Pour Thibault Perrine, le piège d’une telle réorchestration consisterait à rester prisonnier de la partition originale : comme si l’on entreprenait de traduire mot à mot un texte écrit dans une langue étrangère, le sens global de l’œuvre serait paradoxalement mal restitué - en restant trop près de la lettre, on en trahirait l’esprit ! 

Une fois la réorchestration terminée, il faut tout recopier de façon à disposer du conducteur utilisé par le chef d’orchestre, du piano-chant et de la partition de chaque instrument… La création du spectacle peut continuer : je vous raconte la suite la semaine prochaine !

Les Chevaliers de la table ronde commencent demain soir.
 
Clémence Hérout