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Le solitaire intempestif

Posté le : 22 janv. 2018 18:05 | Posté par : Clémence Hérout
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« On est allés à l’Athénée, voir le montage du décor, dire bonjour. C’est un lieu magnifique et j’étais content. »

C’est ce qu’écrit Jean-Luc Lagarce dans son journal, le 21 février 1994 : auteur, metteur en scène, comédien et directeur de compagnie, il fait aujourd’hui partie des dramaturges français contemporains les plus joués, y compris à l’étranger. En 2016, le réalisateur Xavier Dolan adapte sa pièce Juste la fin du monde dans un film du même titre avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Vincent Cassel, Marion Cotillard et Léa Seydoux.

De son vivant pourtant, c’est majoritairement de son travail de metteur en scène que Jean-Luc Lagarce tirait son succès.

L’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, déjà dirigé par Patrice Martinet à l’époque, a ainsi accueilli plusieurs de ses mises en scène : L’Île des esclaves en 1994, Lulu en 1996, Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne en 1996 et 2009, et bien sûr La Cantatrice chauve en 2007, 2009 et en ce moment.
Patrice Martinet nous racontait justement les liens qu’il avait entretenus avec lui dans cet article paru la semaine dernière. 

Jean-Luc Lagarce tenait un Journal, paru depuis aux éditions des Solitaires intempestifs. Il est à la fois passionnant, cruel et émouvant. Pour nous qui travaillons à l’Athénée, il est d’autant plus touchant que Jean-Luc Lagarce semblait aimer profondément ce théâtre et son équipe.


Extraits choisis, d’abord à propos de L’Île des esclaves de Marivaux qu’il avait mis en scène :

« Vendredi 25 février 1994
Paris. Chez moi. 9h20
Ai répété un peu. Deux beaux filages, mardi et mercredi. L’Athénée comme un superbe instrument et les acteurs heureux d’être là. »

 

 L'Île des esclaves mis en scène par Jean-Luc Lagarce. Photo de Daniel Cande. Fonds BNF.
 
 
« Lundi 28 février 1994
Paris. Chez moi. 8h42
Ensuite beau filage à l’Athénée. Toute la maison a l’air d’aimer le spectacle. Patrice Martinet en tête.
Endroit magique. »

« Mercredi 2 mars 1994.
Paris. Chez moi. 8h40.
Hier, première à l’Athénée. Succès. Je crois qu’une partie de la salle était divisée mais gros succès à la fin. Belle représentation un peu chaotique mais belle. Les acteurs ensemble.
Patrice Martinet très enthousiaste et très attentionné. Un vrai directeur de théâtre comme je l’imagine. »

« Samedi 5 mars 1994
Mulhouse. Hôpital de Moenschberg. 19 heures.
Les journées sont simples : je me lève vers 7 heures du matin. Mon corps est un débris, diarrhées, nausées et le spectacle dans la glace est à crever. »

« Mercredi 9 mars 1994
Mulhouse. Hôpital. 19 h 15.
En vrac, la vie en petits morceaux :
Un article effroyable de violence contre Marivaux dans Le Monde (Michel Cournot). Il aboie cet homme. On y dit en gros que je suis un arriviste qui n’a jamais rien fait. –Le Monde a dû écrire vingt articles sur moi en dix ans ! – que j’ai dû arriver à l’Athénée grâce à des relations et de l’entregent alors que des gens formidables n’arrivent pas à travailler. »

 

  L'Île des esclaves mis en scène par Jean-Luc Lagarce. Photo de Daniel Cande. Fonds BNF.
 
 
 
« Lundi 11 avril 1994
Paris. Chez moi. 8 h 35
Dernière de L’Île des esclaves à l’Athénée : c’était très beau, émouvant, mais c’était très beau.
Il y avait un verre offert par Martinet dans son bureau. J’étais vraiment ému. Il y avait en plus des acteurs des gens de la maison. Thierry Lesueur de Belfort (et c’était très bien qu’il se déplace), Monique, Peduzzi, Bloc et Irina Dalle avec son ami italien –le décorateur formidable de Braunschweig– et j’étais très touché qu’il soit là, qu’il ait aimé le spectacle.

Ensuite nous sommes allés dîner derrière le théâtre, Quester qui avait l’air très ému et qui ne savait comment l’exprimer, François, Mireille, un très joli amant de Mireille (poïe, poïe) que je connais de vue de Besançon, Isabelle l’habilleuse qui était très bavarde car elle était très émue elle aussi et Christelle Wurmser et son jeune amant.
C’était une belle et bonne soirée, "facile".
Je suis rentré tôt. »

« Vendredi 6 mai 1994
Paris. Chez moi. 9h30.
Le Cid car Martinet, à l’Athénée, m’a envoyé un mot pour parler de projets pour la saison suivante –ce qui n’est pas ridicule comme idée au vu de ce que je viens de dire !– et Le Cid fait partie de mes rêves d’enfant, et ne devrais-je pas me soucier de mes rêves d’enfant ? »

 

  L'Île des esclaves mis en scène par Jean-Luc Lagarce. Photo de Daniel Cande. Fonds BNF.
 
 
« Mercredi 29 juin 1994
Paris. Café Beaubourg. 19 heures environ
L’autre semaine, n’ai pas raconté cela, c’était le lendemain de la très belle soirée d’Orlando, suis allée voir Huis Clos à l’Athénée, mis en scène par Raskine. (C’est une reprise, ce fut un très beau succès.) Bon spectacle, efficace, loin de moi mais bien. Avec Marief Guittier, Marie-Christine Orry…

Me suis fait encercler très gentiment : il y avait une "fête" sur une terrasse sur le toit du théâtre. Martinet puis Michel m’ont invité et suis monté. C’était une très très bonne soirée. J’avais tort car je m’étais déjà couché tard la nuit précédente et je partais à Rennes le lendemain, mais j’étais très content d’être là. »

Nous aborderons les prochaines fois les mises en scène que Jean-Luc Lagarce a réalisées de Lulu et de La Cantatrice chauve.

En attendant, La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco mis en scène par Jean-Luc Lagarce se joue jusqu’au 3 février !

De mon côté, je suis toujours à 250 km au nord du cercle polaire d’où je vous joins une photo.
 

 
 
 
 
Clémence Hérout