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Pleins feux

La farfelue du jardin des plantes

Posté le : 11 juin 2010 08:00 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé

Les amours tragiques de Pyrame et Thisbé se joue à l’Athénée dans une mise en scène de Benjamin Lazar qui s’inspire du théâtre baroque (l’interview qu’il m’a accordée est ici).

Mais comment les comédiens jouaient-ils aux 17e et 18e siècles en France ?
Le sujet est trop large pour être abordé dans son intégralité ; je laisse donc de côté les costumes, décors, scène, gestuelle et déplacements pour vous livrer quelques indications sur la diction et la déclamation :

La prononciation est essentielle, car la phonétique a évolué depuis le 17e siècle : le français ne se prononce pas de la même manière qu’aujourd’hui, d’autant plus qu’à cette époque, la déclamation sur une scène de théâtre ne faisait pas entendre les mêmes sons qu’une conversation courante (autrement dit, on ne prononçait pas le français au théâtre comme on le prononçait dans la vie).

Par exemple, sur les scènes de théâtre du 17e siècle :
- on roulait les R
- on ne disait pas “le roi” mais “le roué” (pour les connaisseurs en phonétique, le son [wa] se prononçait [we])
- la plupart des consonnes finales se prononçaient (sur des mots comme “moins” ou “joug”   par exemple)
- l’on faisait entendre le E muet [ë] pour distinguer les rimes féminines (vie, heure, constance...) des rimes masculines (permis, mourir, sort...)


Au niveau de la déclamation, l’alexandrin se disait selon un tempo précis que l’on pourrait qualifier de déclamation “en accent circonflexe” :
Ainsi, la première partie (les six premiers pieds) du vers se disait avec une montée de la voix. Après une pause plus ou moins longue à l’hémistiche (la moitié du vers), la seconde partie était marquée par une descente de la voix.

Le rythme du vers se construit également grâce à des accents d’intonation, c’est-à-dire que des syllabes précises du vers sont accentuées selon le sens du texte (on met l’accent sur des mots à forte charge émotionnelle) ou selon des règles phonétiques.

Si l’alexandrin n’a pas été conçu pour être musical, la déclamation du 17e siècle, parce qu’elle visait à mettre la langue française en valeur, donnait des intonations musicales au texte de théâtre.


Pour en savoir davantage sur le jeu de l’acteur baroque, la référence bibliographique incontournable est La Parole baroque d’Eugène Green.


NB :pour écrire ce billet d’initiation à la prononciation baroque, j'ai repris mon cours sur l’art de l’acteur aux 17e et 18e siècles suivi à l’université.
Je remercie donc tout spécialement son auteure, Julia Gros de Gasquet, qui s’était auto-surnommée “la farfelue du jardin des plantes” après nous avoir donné un cours en plein air pour échapper à une salle de classe en surchauffe. ?Plusieurs promeneurs du Jardin des Plantes (Paris 5e) s’étaient d’ailleurs assis parmi nous pour écouter l’intégralité du cours, soit tout de même deux heures sur la technique de l’acteur baroque: à croire que, contrairement à ce qu’on nous dit, le théâtre intéresse encore du monde.


Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé
de Théophile de Viau se joue à l’Athénée jusqu’à demain !


Bon week-end.


PS : comme je vous l’avais promis, voici le nombre de bougies utilisées pour le spectacle : cent soixante bougies brûlent chaque soir sur le plateau des Amours tragiques de Pyrame et Thisbé.