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Entretien

Je hais le théâtre

Posté le : 07 nov. 2008 08:55 | Posté par : Clémence Hérout
Catégorie : Direction Patrice Martinet | Artistes de la saison | Claus Peymann / Sik Sik | Archives

Carlo Cecchi, le metteur en scène de Claus Peymann…/Sik Sik, est le genre de personnage imposant à qui l'on a peur de parler. Alors pour glaner des idées sur le spectacle, on est allée voir Patrice Martinet, directeur de l'Athénée, personnage aussi imposant à qui l'on a moins peur de parler.

"_ Pourquoi avoir programmé un spectacle de Carlo Cecchi?
_ J'ai connu Carlo en accueillant au Centro di Ricerca per il Teatro, que je dirigeais à Milan, son spectacle RitterDeneVoss : comme Claus Peymann…, il s'agit d'un texte de Bernhard sur le théâtre, dont le titre français est, bizarrement, Déjeuner chez  Wittgenstein. Ritter, Dene et Voss sont en fait les noms des trois comédiens du Burgtheater de Vienne qui ont créé la pièce. J'ai ensuite programmé la pièce en 2003 dans une mise en scène de Hans Peter Cloos : nous avions souhaité l'intituler ScobRichWaneck, du nom des trois comédiens du spectacle, mais nous n'en avons malheureusement pas eu l'autorisation. Ce texte de Bernhard est un hommage aux comédiens et au théâtre, et la mise en scène qu'en avait fait Carlo Cecchi reste un grand souvenir de mon séjour en Italie.
Programmer Claus Peymann…/Sik Sik était ainsi une manière de renouer avec cette émotion tout en donnant un spectacle qui déclare son amour du théâtre : car si le personnage de Thomas Bernhard dans Claus Peymann… crie sa haine du théâtre, c'est tout simplement pour mieux montrer qu'il l'aime infiniment…
Et pour être honnête, je crois que cela faisait des années que je n'avais pas autant ri : j'ai réellement trouvé que c'était un spectacle incroyablement drôle. Il y a enfin une forme d'hommage à Louis Jouvet : comme Louis Jouvet, Carlo Cecchi est un capocomico, c'est-à-dire un metteur en scène qui dirige une compagnie et est présent sur le plateau en jouant avec les autres. Les troupes rassemblées autour d'un metteur en scène perdurent encore en Italie, bien plus qu'en France, d'ailleurs!

_ Vous qui parlez couramment italien, pensez-vous qu'on apprécie différemment le spectacle lorsqu'on n'est pas italophone?
_ Oui, car il y a une double démonstration. C'est surtout un spectacle sur les coulisses du théâtre où Thomas Bernhard va jusqu'à se mettre en scène en compagnie de Claus Peymann, qui a réellement été directeur du Burgtheater de Vienne ; de même pour Sik Sik où l'on caricature la figure du comique italien.
C'est dans Sik Sik que la maîtrise de l'italien s'avère intéressante, car on voit l'incompréhension entre deux Italiens qui essaient de parler une langue qui n'est pas la leur, mais qui est pourtant l'italien… L'italien devrait être une langue commune, mais il y a autant de dialectes que de régions, et l'unification qui a eu lieu au 19e siècle s'est accomplie en dépit du fait qu'un Napolitain ne pouvait pas comprendre un Milanais…
Dans Sik Sik, on voit donc deux personnages qui utilisent différemment l'italien : ils essaient de se comprendre en utilisant les mêmes tournures mais s'en servent mal et surtout pas de la même manière ! De toutes façons, la gestuelle napolitaine est un plaisir en soi et une langue que tout le monde comprend.

_ Pour en revenir à Claus Peymann…, je me demandais si vous vous étiez reconnu dans ce personnage de directeur de théâtre peu orthodoxe?
_ J'ai bien peur que oui. Moi aussi j'ai connu des doutes en arrivant à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, moi aussi je réfléchis à la prochaine saison avec Christine Anglès, l'administratrice de l'Athénée, et surtout, moi aussi j'achète des pantalons."

Il vous reste jusqu'à dimanche pour découvrir un petit bout d'Italie ; quant à moi, je vous dis à lundi!