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Pleins feux

Inventer la musique

Posté le : 09 mai 2017 20:31 | Posté par : Clémence Hérout
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Après Ismène qui s’est terminée samedi, La Trilogie des Éléments de Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli continue avec Phèdre, le deuxième spectacle qui commence demain.

Si la musique d’Ismène a été écrite par le compositeur contemporain Georges Aperghis, celle de Phèdre a été composée par Marianne Pousseur elle-même. Chanteuse lyrique, actrice et metteure en scène, Marianne Pousseur n’en est pas exactement à sa première œuvre musicale.

Elle m’expliquait ce matin avoir déjà composé « plusieurs petites choses », car elle faisait du jazz : « dans les groupes de jazz, tout le monde compose, avec une plus grande nonchalance que dans le milieu classique ».
En tant que chanteuse, Marianne Pousseur interprète surtout du répertoire contemporain, où la manière de travailler est souvent différente du répertoire plus classique : « ma créativité y a souvent été mise à contribution. Georges Aperghis a par exemple fait appel à ma part créative dans la partition d’Ismène. »


 Michel Boermans
 
 
Après Ismène, Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli ont en tête de collaborer avec un compositeur différent pour chaque volet de la trilogie composée sur des poèmes de Yannis Ritsos.
Ils rencontrent « plusieurs compositeurs merveilleux », mais ont rapidement le sentiment que « ça allait coincer, en terme de méthodologie notamment ». Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli répètent en effet chaque spectacle pendant un à deux ans par plusieurs sessions de quelques semaines et testent beaucoup de choses différentes : cela rend la collaboration avec un compositeur extérieur plus difficile.
Marianne Pousseur réalise que « la démarche de composition n’était pas si irréalisable dans le fond, et pouvait être conduite avec modestie. »

Composer la musique constitue même une aide pour Marianne Pousseur : « j’avais du mal avec le personnage de Phèdre, qui était dur. Composer la musique m’a permis de l’appréhender d’une autre manière qu’à travers le texte. Je dirais qu'inventer la musique m’a rapproché du personnage ».

 

 Michel Boermans
 
 
La première question que Marianne Pousseur s’est posée dans son travail d’écriture de la musique est celle de la langue : dans quelle langue Phèdre chante-t-elle ? Si Yannis Ritsos écrit en grec, Phèdre est crétoise et non grecque, donc étrangère. Parce que Phèdre est considérée par Hippolyte comme impure, Marianne Pousseur opte pour « une langue impure, une sorte de créole avec beaucoup de langues mélangées ». Elle part donc de la sonorité de cette langue, d’autant qu’il est dit qu’Hippolyte enfant « avalait les voyelles ».
À partir de ce point de départ, Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli multiplient les allers-retours entre la partition et le plateau : la question de la séparation entre la composition et l’interprétation ne s’est ainsi pas vraiment posée, la partition évoluant au fil des répétitions.

Marianne Pousseur mène également de nombreuses recherches sur sa propre voix : « Phèdre parlant des fractures qu’elle ressent à l’intérieur d’elle-même, j’ai aussi exploré les fractures de ma voix ». C’est particulièrement « le désir que Phèdre éprouve pour Hippolyte et qui la met dans une situation impossible » que Marianne Pousseur cherche à exprimer dans la musique du spectacle : « plus exactement, son désir et la douleur qu’il engendre, car il ne reçoit aucune réponse ».
 

 Michel Boermans
 

Pour Ajax, le dernier volet de la Trilogie qui commencera la semaine prochaine, la musique écrite par Marianne Pousseur répond à deux perspectives : « d’un côté l’apprentissage de la communication et de la transmission par la voix, et de l’autre le cheminement vers l’apaisement ».

Rendez-vous demain pour Phèdre, le deuxième volet de La Trilogie des Éléments ! Ajax se jouera ensuite du 17 au 20 mai. 

Jeudi, j’aurai le plaisir d’animer une rencontre entre les spectateurs et l’équipe du spectacle : rendez-vous au foyer-bar après la représentation, vers 21 h 15.


Bonne soirée.


Clémence Hérout