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Coup de théâtre

Fanny Ardant et moi

Posté le : 16 oct. 2017 05:55 | Posté par : Clémence Hérout
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Quand je pense à Fanny Ardant, c’est d’abord à sa voix : elle est justement au centre de Cassandre, qui commencera mercredi à l’Athénée.

Œuvre de Michael Jarrell, qui en a écrit la musique et le livret d’après un texte de Christa Wolf, Cassandre est un opéra parlé –c’est-à-dire qu’on y parle sur de la musique.
Seule en scène, Fanny Ardant joue le rôle de Cassandre, qui a le don et la malédiction de prédire l’avenir en n’étant jamais crue, accompagnée par l'orchestre Lemanic Modern Ensemble dirigé par Jean Deroyer.

Cette forme particulière ne s’est pas imposée tout de suite à Michael Jarrell :
« Le texte de Christa Wolf donne à entendre l’histoire de la guerre de Troie, mais vue par les perdants. Alors que j’avais appris à l’école comme tout le monde que les Grecs étaient les gentils face aux méchants Troyens, j’ai réalisé à ce moment-là que notre histoire avait toujours été écrite par les vainqueurs. Cela m’a beaucoup touché de voir les événements sous un autre angle. Nous étions aussi à l’époque de la première guerre du Golfe, où l’on s’était rapidement rendu compte que le discours officiel sur la "guerre propre" différait largement de la réalité…

Il faut y ajouter qu’avec la fin de la guerre des Balkans, des témoignages ont commencé à arriver : on oublie souvent le drame individuel, comment la guerre touche les personnes. On parle beaucoup de chiffres, de milliers de morts, de combats, mais les personnes sont oubliées. Ce qui me fascinait aussi dans le texte de Christa Wolf était son approche de l’avant-guerre : on sait quand débute une guerre, mais quand commence l’avant-guerre ? Comment arrive-t-on à cela ? 

Au départ, je voulais créer un grand opéra avec chœur et orchestre racontant la version des Grecs, juxtaposé à un petit ensemble et une seule chanteuse donnant à entendre l’histoire des perdants. Plus je travaillais, et plus je réalisais que ce que racontaient les Grecs ne m’intéressait pas.
Après avoir décidé d’abandonner la version des Grecs pour conserver uniquement la partie en opéra de chambre, je me suis dit qu’en fait, Cassandre faisait sa dernière prédiction : elle sait qu’elle sera mise à mort dans une heure. Elle se détourne du futur et se souvient du passé à partir de là. En perdant son rôle de prédiction de l’avenir, elle a perdu sa voix. Je ne pouvais donc plus imaginer la faire chanter sur scène »


Jean Deroyer, qui dirige l’opéra, complète :
« Cassandre rassemble tous les ingrédients du genre de l’opéra, sauf qu’il n’y a qu’un personnage unique qui, au lieu de chanter, parle sur la musique. Les deux sont connectés.
Sur la partition, la voix est notée comme un rôle d’opéra, mais sans notes de musique. C’est-à-dire que le texte est inscrit sur la musique avec parfois des flèches indiquant où certains éléments doivent être placés. Chaque mot n’est pas lié à la musique, car la comédienne doit se sentir libre, mais son débit est relativement contraint.
Ce n’est pas la même chose qu’un texte de théâtre, qui peut être dit à des centaines de vitesses différentes : Michael Jarrell indique un certain débit, et donc une certaine tension du texte. Parfois le texte est débité à toute allure, parfois lentement. Il arrive que Fanny Ardant ait à peine le temps de dire le texte. La voix est en tout cas notée sur les mesures de manière relativement précise. Si la liberté est possible à l’intérieur, il faut respecter le début et la fin des séquences. »


Nous verrons bientôt comment Jean Deroyer a travaillé avec Fanny Ardant. En attendant, Cassandre se joue de mercredi à dimanche dans une mise en scène d'Hervé Loichemol !

Bon début de semaine.

Clémence Hérout